Le Café de la gare perd son conducteur historique
NÉCROLOGIE

Le Café de la gare perd son conducteur historique

O.Z.
Yvette Roblin s’est éteinte le 21 juin 2023, à l’âge de 87 ans
Yvette Roblin s’est éteinte le 21 juin 2023, à l’âge de 87 ans • ©CAFÉ DE LA GARE (FACEBOOK)

Yvette Roblin, créatrice de l'incontournable Café de la gare, à Cayenne, a tiré sa révérence à 87 ans. Retour sur le parcours atypique d'une femme hors du commun. Nous avons relu son autobiographie.

C'est le Café de la gare qui nous a appris la nouvelle, sur sa page Facebook : "Yvette Roblin nous a quitté mercredi 21 juin 2023 ". En quelques lignes l'établissement rend hommage à celle qui l'a créé en 1974.

Son histoire, c'est Yvette Roblin, elle-même qui la raconte le mieux : au début des années 2000, alors qu'elle enchaîne les ennuis de santé, elle prend sa plume et se met à la tâche. Guyane je t'aime (malgré tout), son autobiographie, est publiée en 2004 aux éditions Ibis Rouge.

L'histoire démarre en novembre 1972. Yvette, son mari et leurs six filles débarquent en Guyane. La famille vient de quitter le Jura et espère tourner la page après deux incendies qui l'ont fait perdre leur commerce. La smala déchante vite : le restaurant que le couple a accepté de prendre en gérance doit fermer. Puis, le mari d'Yvette repart dans l'Hexagone, la laissant seule avec ses filles. Mais Yvette est déjà cette petite bonne femme qui ne se laisse pas démonter par l'adversité. Son point de salut, sera la cuisine ! Elle démarre par des beignets de carnaval que ses filles l'aident à confectionner et à vendre, d'abord dans les rues cayennaises, puis pour l'armée. Quelques temps plus tard, elle repère un local vide, avenue Héder, à Cayenne, à l'époque où la rue porte encore le nom de Franklin Roosvelt.

Le premier PMU de Guyane

"Ce local me permettait d'ouvrir un bar-restaurant, tout en continuant à honorer mes commandes de gâteaux", raconte Yvette dans sa biographie. L'endroit a un côté chaleureux, familial. Mais pas de nom. "Alors, un jour d'octobre 1974, jour de la fête de Cayenne, nous avons décidé de baptiser mon petit café. Mes fidèles clients, Dominique le peintre, Christian le ferrailleur, Raymond le voisin créole et quelques militaires de passage, nous nous creusions tous la tête pour trouver un nom qui sonne bien : Café des amis, Café de la rue, Café de ceci, Café de cela… et puis Christian annonce Café de la gare. Et là, ça a fait comme un flash ! J'aimais ce nom, même s'il n'y avait pas de train en Guyane." L'établissement devient un lieu incontournable et deviendra le premier PMU de la place. La déco joue à fond sur le côté gare : des rails en trompe l'œil sont même dessinés sur le trottoir. L'établissement a changé de main depuis longtemps. Et s'il a changé d'allure, il conserve sur un de ses murs une trace de sa créatrice, une fresque et la couverture de son ouvrage Panique à Cayenne.

L'indéboulonnable Yvette

Au gré des pages de sa biographie, Yvette Roblin raconte les petits et grands moments qui ont marqué son existence, comme autant de vagues qu'elle est parvenu à surmonter. Si elle relate surtout le pire, c'est pour montrer, à chaque fois, comment elle a pu refaire surface, nageant parfois à contre-courant. Il y a eu des coups-bas, des agressions, des deuils. Aussi, on pourrait penser la dame amère. Il n'en est rien. D'ailleurs, le titre choisi pour son ouvrage résume tout. Malgré les multiples péripéties qui ont émaillé son parcours, l'indéboulonnable Yves Roblin l'a toujours affirmé : la Guyane, elle l'aime. Cet amour-là, il transparait  dans chacun des paragraphes de son autobiographie, qu'elle décrive la chaleur guyanaise, les rues cayennaises, le carnaval, la forêt, les amis et les voisins. "J'ai eu des moments de bonheur, des moments de panique, de peur et je garde pour toi, cher pays qui m'a accueillie, un sentiment très fort. Je resterai en Guyane tant que cela sera possible…" En 2020, elle doit néanmoins se résoudre à quitter la Guyane, son "chez moi" pour se rapprocher de sa famille. 

Sur Facebook, l'annonce du Café de la gare a généré une pluie de messages. Des connaissances, des amis, d'anciens clients. Tous saluent la petite dame aux cheveux blancs et témoignent qu'Yvette, la Guyane l'aime. 

Yvette les bonnes idées

Au fil des ans, Yvette Roblin est souvent apparue dans nos colonnes. Que ce soit pour ses activités avec l’association Guyane Alzheimer ou pour ses tentatives malheureuses pour se présenter aux élections municipales à Cayenne. Au sein de la rédaction, nos journalistes se souviennent surtout de ses bonnes idées : organiser un repas en mode « kannari kontré » dans l’avenue en bas de chez elle, lancer la mode des frigos transformés en étagère, sauter en parachute pour ses 71 ans, faire venir ses champions de petits-fils pour le triathlon de Kourou… Jamais avare de sourires ou de bonnes histoires sur la vie cayennaise, Yvette Roblin est de celles qu’on n’oublie pas.

 

Guyane je t’aime (malgré tout), son autobiographie, est publiée en 2004 aux éditions Ibis Rouge.
Guyane je t’aime (malgré tout), son autobiographie, est publiée en 2004 aux éditions Ibis Rouge. • DR
Au centre, en t-shirt rouge : Yvette Roblin devant le Café de la gare
Au centre, en t-shirt rouge : Yvette Roblin devant le Café de la gare • ©Café de la Gare (Facebook)