[TRIBUNE] Georges Patient : "Pourquoi j'ai voté pour cette réforme"
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OPINION

[TRIBUNE] Georges Patient : "Pourquoi j'ai voté pour cette réforme"

Georges PATIENT, Sénateur de Guyane

Le sénateur Georges Patient réagit pour France-Guyane, à la vague de critiques qu'il a essuyé depuis son vote favorable à la réforme des retraites au Sénat.

"J’entends beaucoup de vociférations, d'exclamations et même d'accusations chez certains. En s’arrêtant au symbole des 64 ans, ils font preuve de beaucoup d’hypocrisie et ne tiennent absolument pas compte des réalités de la Guyane et plus généralement des Outre-mer.

"J’entends beaucoup de vociférations, d'exclamations et même d'accusations chez certains. En s’arrêtant au symbole des 64 ans, ils font preuve de beaucoup d’hypocrisie et ne tiennent absolument pas compte des réalités de la Guyane et plus généralement des Outre-mer. En l’occurrence il ne suffit pas de crier ou de s'exprimer fort pour avoir raison. D’ailleurs ce qui me conforte dans mon choix, c’est le nombre d’appels ou de messages que j'ai reçus de personnes me remerciant d'avoir voté en faveur de ce texte. Certes, à première vue, on peut se dire qu’il est difficile de devoir travailler 2 années de plus. Pourtant la situation des retraités et futurs retraités guyanais et ultramarins nécessite de faire ce sacrifice afin d’améliorer leur sort grâce aux mesures de compensation contenues dans la réforme.

QUELLE EST NOTRE SITUATION ?

Actuellement, l’âge moyen de départ à la retraite des Guyanais est de 65,3 ans contre 63 ans en moyenne nationale donc bien au-delà de l’âge légal de 64 ans porté par la réforme. La pension mensuelle moyenne en Guyane au régime de base est de 663 € contre 800€ en moyenne nationale. 19% de nos retraités (contre seulement 4% France entière) bénéficient de l’ASPA (le minimum vieillesse). C’est dire la précarité de nos retraités. De plus, 48% touchent le minimum contributif, ce système qui assure une pension minimale à ceux qui malgré une carrière complète sont pénalisés par le faible niveau des revenus perçus tout au long de leur vie professionnelle. Donc les Guyanais travaillent en moyenne plus de 3 ans au-delà de l’âge légal pour au final toucher une pension inférieure de près de 20%.

POUR QUELLES RAISONS ?

Pour espérer vivre correctement à la retraite, mieux vaut avoir une retraite à taux plein, sans décote. Pour cela, il faut avoir eu une carrière complète et avoir validé le nombre de trimestres requis. Il faut également avoir pu cotiser pendant tous ces trimestres. Or en Guyane, 81% des retraités ont une carrière incomplète ! Ce sont autant de personnes obligées de travailler au-delà de l’âge légal pour essayer d’améliorer leur future pension. Beaucoup vont jusqu’à 67 ans, l’âge d’annulation de la décote et même au-delà. Alors maire de Mana, plus d’une fois un employé de mairie m’a demandé de pouvoir continuer à travailler après 67 ans car la chute de son revenu aurait été trop importante en partant à la retraite. Le travail informel, non déclaré et/ou mal rémunéré, qui représente une part trop importante de l’activité économique en Guyane est également responsable de cette situation. La réforme conserve l’âge de départ sans décote à 67 ans. C’est cet âge et la durée de cotisation qui dictent en Guyane l’âge réel de départ à la retraite. Le recul à 64 ans n’aura pas d’impact pour une grande majorité des Guyanais. Notre problème n’est pas l’âge légal de la retraite mais le niveau trop faible des pensions en raison de la difficulté d’avoir une carrière complète et des rémunérations suffisantes et déclarées. C’est un problème d’emploi, de développement économique du territoire, de formation des jeunes, de ne pas bloquer le moindre projet parce qu’il faut aménager le territoire et couper une parcelle de forêt... Avec un taux d’activité dans la population en âge de travailler de 62% dont 14,5% au chômage, la tendance n’est pas près de s’inverser. C’est d’ailleurs un paramètre à prendre en compte quand on réfléchit à plus d’autonomie pour la Guyane. Car avec pratiquement 16 000 retraités, le nombre de cotisants par retraité est de 1,16 bien inférieur à la moyenne nationale de 1,7 alors que notre population est la plus jeune de France.

QU’APPORTE CETTE REFORME ?

La réforme des retraites de 2003 fixait comme objectif que la retraite à taux plein d’un salarié devait être au moins égale à 85% du SMIC. Des gouvernements de droite et de gauche se sont succédés et aucun n’a mis en œuvre cette mesure. C’est finalement cette réforme de 2023 qui réalisera l’objectif de 2003 d’une retraite minimale à 85% du SMIC via la revalorisation du minimum contributif. Cette réforme va améliorer le sort de quasiment la moitié des retraités guyanais dès septembre 2023. Certes, seuls les retraités ayant tous leurs trimestres cotisés bénéficieront de 100€ par mois supplémentaires soit la revalorisation maximale. Les autres profiteront également d’une revalorisation mais au prorata du nombre de trimestres cotisés. D’autres mesures vont améliorer les pensions actuelles notamment celles des retraités agricoles précédemment exclus des revalorisations de la loi de décembre 2021 sur les retraites agricoles. Concernant les futurs retraités, en compensation du recul de 2 ans de l’âge de départ en retraite, cette réforme améliore et apporte plus de justice au système actuel et préserve les carrières longues en ajoutant des seuils à 18 et 21 ans. Ainsi aucune personne ayant commencé avant 21 ans n'aura à travailler plus que 43 annuités pour une retraite à taux plein. Il serait trop long de citer toutes les mesures mais la situation des femmes sera améliorée et de nouveaux droits créés notamment pour les aidants ou pour les orphelins avec une pension de réversion spécifique.

EN CONCLUSION

La situation de la Guyane justifie pleinement de voter cette réforme car elle va globalement améliorer les pensions des retraités guyanais actuels et futurs sans pour autant demander d’effort supplémentaire par rapport à ceux déjà consentis par les Guyanais. Bien sûr, tout n’est pas parfait et des améliorations supplémentaires auraient pu être apportées mais il est important dans chaque réforme de respecter les grands équilibres."