Davy Rimane dans la seconde circonscription et Jean-Victor Castor dans la première sont les nouveaux députés de la Guyane.
Tous les deux étaient pourtant en ballottage défavorable, il y a une semaine. Mais quelque chose nous disait que les mathématiques électorales étaient plutôt en leur faveur (lire ici et ici).
Alors samedi matin, la journée commençait sous un soleil de plomb. Les bureaux de vote étaient peu fréquentés. Le rythme était lent, proche de la torpeur. Personne n'osait le jeu des pronostics.

A la mairie de Rémire-Montjoly, aucun nom ne sort. Les électeurs préfèrent utiliser ce qui est presque devenu le surnom de Jean-Victor Castor en moins de sept jours. “J'ai voté pour l'expérience. “J'ai choisi l'expérience”. “Je fais confiance à l'expérience.”
La candidature d'Yvane Goua a fait bouger les lignes, a interrogé mais finalement, la militante associative présentait trop d'inconnues pour sa première campagne. Dans cinq ans, si elle continue, avec Trop'Violans son travail de terrain, les urnes pourraient répondre différemment.
"Aujourd’hui, c’était tous contre Yvane Goua. Ils se sont associés, ils se sont organisés : je suis fière aussi de ce résultat-là. Ils se sont mis en œuvre pour pouvoir gagner. Cette victoire les engage à écouter la voix de la population. Elle les engage à travailler avec la société civile et les engage à obtenir des résultats à l’Assemblée nationale,” prévient l'activiste depuis son QG, cité Bonhomme, à Cayenne.

“La victoire aurait été mieux, mais ne gâchons pas ce que nous avons réussi à faire parce que derrière il y a d’autres combats, d’autres batailles, d’autres dossiers, et je tiens à dire que l’on nous entendra encore", scande, celle qui a quitté son confort parisien après le mouvement social de mars et avril 2017 pour revenir ici.

Hier soir, tout à sa joie, l'amateur de basket appréciait le rebond offensif pris par son camarade et ami : Jean-Victor Castor. Ce dernier passe de 2601 voix à 9033 voix entre les deux tours.
“Les deux victoires de notre camp, même si Davy Rimane n'est pas du MDES, c'est un camarade dont nous sommes proches, représentent un basculement. Les Guyanais ont senti le mépris avec lequel ils ont été traités. Il y a un ras-le-bol. Le point de vue des Guyanais ne compte pas. On nous impose des décisions liberticides. On ne peut plus creuser le trou dans lequel nous sommes. Il faut remonter. Nous commençons avec la victoire d'un homme, Jean-Victor Castor. Cette victoire ne dépend pas du MDES. Nous ne pouvons pas dire ce soir que notre parti compte 9 000 voix”, estime l'ancien conseiller général.

Pourtant les signes sont plutôt positifs pour les militants du parti trentenaire. Leurs thèmes favoris sont sur la table depuis 2017, leurs constats sont largement répandus dans l'opinion publique. Ils ont déboulonné Rodolphe Alexandre et son parti Guyane Rassemblement, avec l'union des gauches en 2021 et maintenant, ils envoient un député sur Paris.
“Ce n'est pas notre première victoire mais celle-ci nous fait passer un cap. La députation c'est une autre dimension”, reconnaît Karine Cresson-Ibris, vice-présidente à la Collectivité territoriale et membre du MDES depuis 2015.

Dans le tumulte du QG du candidat, situé au bout de la rue Schoelcher, la rue des quatre députés*, à Cayenne, les partisans de Jean-Victor Castor, plus nombreux que la semaine dernière, prennent d'assaut les Chaînes-Brisées, un meeting, entrecoupé par des interludes musicaux s'improvise.
A côté de NFG, José Blezes profite de l'ambiance. “Jean-Victor c'est mon pote. Je lui écrivais tous les jours pour lui dire de ne pas avoir peur, d'y aller. Je suis heureux pour lui”, sourit le journaliste sportif.
A peine élu, l'objectif premier du nouveau député, celui de rassembler commence. Des personnes loin des idéaux et des objectifs du MDES sont présentes autour des Chaînes-Brisées.
Dans le QG, le calme revient. Il est presque minuit et la pression retombe mais pas la tension de quelques partisans. Deux malaises sont gérés par les pompiers. Gabriel Serville, président de la Collectivité territoriale (CTG) est venu accompagné de son épouse. Fabien Canavy le salue plutôt chaleureusement. Le scrutin de ce samedi 18 juin le conforte dans sa politique. Il a laissé s'affronter toutes les composantes de sa majorité.
Un test grandeur nature pour connaître enfin sur qui devait s'appuyer sa liste d'union. Lui-même a fait preuve de loyauté et a soutenu son ancien collaborateur au Palais Bourbon, Thibault Lechat-Vega. Il voulait sans doute aussi tester son jeune parti Peyi Guyane, fondé en 2018.
Finalement, le MDES gagne dans la première circonscription, parti à qui il a déjà donné de fortes responsabilités puisque Samantha Cyriaque est la cheffe du groupe Réussir, ensemble à l'assemblée territoriale et Karine Cresson-Ibris est VP à la formation, l'emploi et l'insertion professionnelle et présidente de l'opérateur public régional de formation (OPRF), une belle épine dans le pied de la mandature.

A l'Ouest, Davy Rimane qui a été sûrement l'acteur principal voire décisif du rapprochement des gauches en 2021 l'emporte aussi.
Jean-Paul Fereira, le premier VP de la CTG, avec qui Gabriel Serville devait former un duo à la tête de l'exécutif, ne comptabilise via la candidature de Rudy Stephenson dont il était le directeur de campagne que 383 voix. Loin des 23,34% de 2021.
La polémique lancée par Philippe Bouba, le 5e VP à l'encontre de Thibault Lechat-Vega, le 3e VP n'a pas pris. Les 5,40% réalisés au premier tour par le leader des insoumis de Guyane, loin d'une qualification au second tour, l'ont fait passer pour un mauvais perdant aux yeux du public.

“Ce n'est pas ma majorité qui gagne ce soir. C'est un idéal, un état d'esprit qui gagne. Celui de dire que la Guyane doit être portée par les enfants d'ici qui croient qu'on mérite davantage de considération de la part de ceux qui gouvernent ici et de ceux qui président à nos destinés depuis Paris depuis la France hexagonale.
Il y a une convergence de points de vue entre la CTG et sa tendance majoritaire et les deux députés. C'est une chance inespérée de nous mettre ensemble pour travailler”, retient le président de la CTG.

“C'était une candidature dans un contexte d'urgence. La Guyane est en SOS comme le disait Justin Catayée, il y a soixante ans. Tout s'effondre. Quand on a l'impression de faire un pas en avant, on en fait trois en arrière. L'abstention ne nous interroge pas, elle nous oblige à faire plus, à être en contact en permanence avec la population, à renforcer nos institutions dont celle qui est la mienne dorénavant”, promet le député.

A quelques pas de lui, on retrouve René-Serge Avril, un militant inlassable du MDES, un stoïcien pur jus dans la vie. Pourtant l'émotion l'a submergé à l'annonce des résultats. Les larmes ont coulé, la chemise est un tantinet débraillée mais le sourire impérissable : “Cette victoire a un goût particulier. Elle vient après plusieurs défaites. On voit un bouleversement pour le pays avec le score de Davy Rimane aussi. C'est génial pour le pays. Le travail continue, la victoire donne de l'élan. Ce n'est pas un raz-de-marée mais c'est bien. Comme on dit en créole, Piti-piti, toti ka monté montann”.
Après ces législatives, il faut croire que Jean-Victor Castor, l'ancien spécialiste des sauts en athlétisme a appris à la tortue les secrets du triple bond. La montagne Sainte-Geneviève a été avalée d'un saut électoral mais derrière c'est l'Himalaya étatique jacobin qui s'offre aux deux nouveaux députés.