Protocole d'accord entre le collectif et EDF mais la grève continue
Grève à Maripasoula

Protocole d'accord entre le collectif et EDF mais la grève continue

Gérôme GUITTEAU ; g.guitteau@agmedias.fr
Juvénilla Peulia et Marie-Prisca Cazal du collectif, lors de la réunion du samedi 8 octobre avec la CTG. Les habitants ont signé un protocole d'accord de sortie de crise vendredi avec EDF.
Juvénilla Peulia et Marie-Prisca Cazal du collectif, lors de la réunion du samedi 8 octobre avec la CTG. Les habitants ont signé un protocole d'accord de sortie de crise vendredi avec EDF.

La fin du cauchemar de la population de Maripasoula aux prises avec une production électrique absente, défectueuse ou aléatoire devrait être proche selon le protocole d'accord signé, vendredi, entre le collectif et EDF. Cinq moteurs neufs doivent arriver d'ici janvier en plus de moteurs de secours attendus au plus tard le 23 octobre.

La pression face au manque d'approvisionnement commence à diviser la population de Maripasoula mais la fin de la grève ne devrait plus tarder après l'accord signé entre le collectif des habitants et EDF, vendredi en fin d'après-midi.
La société nouvellement nationalisée, s'engage à fournir cinq moteurs neufs de 550 kva et ainsi porter sa production d'énergie à 3,55 Mw. Les moteurs seront acheminés en deux temps : une partie avant la fin de l'année et l'autre partie en janvier.
Des groupes de secours doivent arriver avec dimanche prochain, le 23 octobre.
Les abonnés seront bien dédommagés et bénéficient des deux dernières factures gratuites et le matériel électroménager détérioré sera remboursé.
Autre avancée non négligeable, EDF s'est engagé à communiquer son planning des délestages afin que la population puisse anticiper les coupures récurrentes.

Un dernier point étonnant car ces délestages prouvent que la capacité de production énergétique prévue par les cinq nouveaux moteurs ne sera pas suffisante. A moyen terme, le lycée de Maripasoula sera ouvert et sa consommation d'électricité est estimée autour de 650 kva par jour.
Dans cet accord qui traite l'urgence, aucune mention n'est inscrite par rapport aux futurs projets de production électrique comme la centrale hydroélectrique de Saut-Sonnelle ou la centrale photovoltaïque. Des projets bien connus de la commission de régulation de l'énergie (CRE).
Les besoins d'énergie des communes de l'intérieur inscrits dans la Programmation pluriannuelle de l'énergie d 2017-2022. • PPE 2017-2022

Deux arrêtés ont été pris cette année concernant ces deux projets qui devraient rapportés 11 millions d'euros au service public de l'électricité (à lire ici et ici) en plus d'une rémunération respective de 10 % et 9% du capital immobilisé.
La grève continue

Pour autant, la sortie de la grève n'est pas immédiate.
Nous n'avons rien eu avec Air Guyane. Nous n'avons pas été invités dans les discussions entre la Collectivité et Air Guyane. Ils sont allés signer un accord à Fort-de-France. En quoi cela nous concerne ? Nous n'avons toujours pas rencontré le directeur d'Air Guyane. On devrait nous livrer un Twin hotter, qui est un avion dangereux plus étroit que ceux qu'on a déjà. La compagnie refuse d'enlever les pénalités de 50 euros pour les retards”, indique Juvénilla Peulia, du collectif.
Juvénilla Teulia, du Collectif des habitants de Maripasoula signe avec Gabriel Serville, président de la Collectivité territoriale et Serge Anelli, maire de Maripasoula, un relevé de conclusions après la réunion de crise de samedi dernier avec une soixantaine de participants. Sept point étaient abordés. Après l'accord entre la CTG et Air Guyane puis du collectif avec EDF, les négociations ont portés leur fruits mais cela ne semble pas contenter toute la population. La grève continue pour l'instant. Une réunion du collectif est prévue aujourd'hui ou demain à ce sujet. • G. Guitteau

Ce dernier doit se réunir aujourd'hui, ou dimanche afin de discuter du futur de la grève et de ce protocole d'accord entre la compagnie aérienne et la Collectivité territoriale (CTG).
A Suzini, on ne comprend pas les réticences de la population. “On a signé des mesures à prendre. On les obtient et cela ne suffit pas. Dans une négociation, on ne fait pas de surenchère et on sait que lorsqu'on demande cent, on peut être content d'obtenir 70. Ils veulent que le président se rende avec M. Marchand à Maripasoula, pourquoi faire ? Les engagements ont été pris et signés”, s'interroge un membre de l'entourage de Gabriel Serville, président de la CTG.
Les mesures issues du relevé de conclusion signées par la CTG, la mairie et le collectif, samedi 8 octobre. • G. Guitteau
La seconde page du relevé de conclusions du samedi 8 octobre concerne plus les relations avec Air Guyane • G. Guitteau

Si la population dans son ensemble est mécontente des conditions d'enclavement et de la fourniture de l'électricité dans la plus grande commune de France, le mouvement de grève qui tente d'obtenir des avancées “concrètes”, selon le mot du collectif commence à s'étirer en longueur et inquiète une partie des commerçants.
D'ailleurs, certains n'ont pas participé à la journée morte de jeudi.Juste une partie des magasins ont participé car depuis la crise, ils ont vu leur chiffre d'affaires baisser et ils ont leurs charges à payer malgré tout : les employés, le loyer... Leur trésorerie ne leur permet pas une journée de grève”, explique Patrick Valies, président des commerçants de Maripasoula.
"Soit on est avec les gens soit on est contre"
Est-ce pour cela que les socioprofessionnels ne sont plus conviés aux différentes réunions liées à la grève ?
Pour la réunion de vendredi, le directeur d'EDF voulait cinq personnes du collectif sinon il ne venait pas. Je rappelle que le collectif des habitants est présent tous les jours de 5h à 19h sur un barrage pour discuter. Nous avons laissé atterrir un avion hier soir pour ravitailler les commerces parce qu'ils nous l'ont demandé. Tout le monde est dans le même bateau à Maripasoula autant pour l'électricité que pour Air Guyane... Soit on est avec les gens soit on est contre”, prévient Juvénilla Peulia.

Nous sommes solidaires et en accord avec les revendications. Mais ce mouvement nous impacte grandement. Nous voulons être ravitailler et voir qu'on passe des discours aux actes. On espère une ouverture totale, lundi”, se projette Patrick Valies.
Les demandes initiales du collectif lors de la réunion du samedi 8 octobre avec la CTG. • G. Guitteau

Le problème du ravitaillement est d'autant plus crucial que cette année, les abattis du Maroni ont été durement touchés. Il reste très peu de couac dans les villages amérindiens et la crainte d'une période de soudure à affronter se profile selon deux membres de l'agence régionale de santé (ARS).
Nous n'avons pas réussi à joindre des personnes sur place pour obtenir des précisions sur les difficultés rencontrées.
Des populations oubliées qui se réveillent
Ce dernier point montre aussi l'habitude d'être oublié ou d'être considéré comme la cinquième roue du carrosse par les populations des fleuves Maroni et Oyapock. Pas de fourniture électrique, ni d'eau potable stables et pour tout le monde, un enclavement qui se renforce au lieu de s'amoindrir et même les communications téléphoniques ne passent pas ce qui obligent nombre d'habitants à avoir trois abonnements : Orange, Digicel Guyane et Digicel Suriname. Des coûts qui s'ajoutent à une vie bien plus chère que sur le littoral pour des perspectives de développement économiques et un bassin d'emploi faméliques.
Le financement de l'électrification est acté depuis la PPE de 2017. Félix Dada, maire de Grand-Santi se montre très actif sur le sujet avec des kits EDF de faible capacité par rapport aux besoins journaliers. • PPE 2017-2022

C'est l'amour du pays qui nous fait tenir. J'adore ma commune, et je veux développer cet endroit mais certains disent qu'il faut préserver alors qu'on a rien. On ose même plus chasser depuis que deux d'entre nous ont dû se rendre au tribunal après avoir tué deux singes. Pendant ce temps, on demande à ce que 120 produits soient protégés par le bouclier qualité-prix de la loi Lurel. Nous n'avons jamais obtenu de réponse”, dénonce Patrick Valies.

Au Centre délocalisé de prévention et de soins (CDSP) et à la pharmacie du bourg, la seule jusqu'à Apatou (Bas-Maroni), au début du mouvement, la pénurie concernant des médicaments nécessaires et vitaux a été évitée de peu. Ce sont des hélicoptères affrétés par l'ARS qui ont amené une caisse d'approvisionnement avec notamment des insulines et des médicaments contre le diabète. “Sans cette intervention, il y aurait eu des morts ou au moins des pertes de chances”, assure un personnel de santé.
Des lieux qui pourraient accueillir des projets hydroélectriques sur le Maroni selon la PPE 2017-2022. La prochaine devrait être arbitrée par le préfet dans le premier trimestre 2023. • PPE 2017-2022

Si les urgences trouvent difficilement des solutions, qu'en sera-t-il du long terme ? Celui arrive vite. Vers En 2030, les projections prévoient 71 000 habitants répartis entre les communes de Maripasoula et Papaïchton et 10 000 logements à construire.