Protocole d'accord entre le collectif et EDF mais la grève continue

La fin du cauchemar de la population de Maripasoula aux prises avec une production électrique absente, défectueuse ou aléatoire devrait être proche selon le protocole d'accord signé, vendredi, entre le collectif et EDF. Cinq moteurs neufs doivent arriver d'ici janvier en plus de moteurs de secours attendus au plus tard le 23 octobre.
Des groupes de secours doivent arriver avec dimanche prochain, le 23 octobre.
Les abonnés seront bien dédommagés et bénéficient des deux dernières factures gratuites et le matériel électroménager détérioré sera remboursé.
Autre avancée non négligeable, EDF s'est engagé à communiquer son planning des délestages afin que la population puisse anticiper les coupures récurrentes.
Un dernier point étonnant car ces délestages prouvent que la capacité de production énergétique prévue par les cinq nouveaux moteurs ne sera pas suffisante. A moyen terme, le lycée de Maripasoula sera ouvert et sa consommation d'électricité est estimée autour de 650 kva par jour.
Dans cet accord qui traite l'urgence, aucune mention n'est inscrite par rapport aux futurs projets de production électrique comme la centrale hydroélectrique de Saut-Sonnelle ou la centrale photovoltaïque. Des projets bien connus de la commission de régulation de l'énergie (CRE).

Deux arrêtés ont été pris cette année concernant ces deux projets qui devraient rapportés 11 millions d'euros au service public de l'électricité (à lire ici et ici) en plus d'une rémunération respective de 10 % et 9% du capital immobilisé.
Pour autant, la sortie de la grève n'est pas immédiate.
“Nous n'avons rien eu avec Air Guyane. Nous n'avons pas été invités dans les discussions entre la Collectivité et Air Guyane. Ils sont allés signer un accord à Fort-de-France. En quoi cela nous concerne ? Nous n'avons toujours pas rencontré le directeur d'Air Guyane. On devrait nous livrer un Twin hotter, qui est un avion dangereux plus étroit que ceux qu'on a déjà. La compagnie refuse d'enlever les pénalités de 50 euros pour les retards”, indique Juvénilla Peulia, du collectif.

Ce dernier doit se réunir aujourd'hui, ou dimanche afin de discuter du futur de la grève et de ce protocole d'accord entre la compagnie aérienne et la Collectivité territoriale (CTG).
A Suzini, on ne comprend pas les réticences de la population. “On a signé des mesures à prendre. On les obtient et cela ne suffit pas. Dans une négociation, on ne fait pas de surenchère et on sait que lorsqu'on demande cent, on peut être content d'obtenir 70. Ils veulent que le président se rende avec M. Marchand à Maripasoula, pourquoi faire ? Les engagements ont été pris et signés”, s'interroge un membre de l'entourage de Gabriel Serville, président de la CTG.


Si la population dans son ensemble est mécontente des conditions d'enclavement et de la fourniture de l'électricité dans la plus grande commune de France, le mouvement de grève qui tente d'obtenir des avancées “concrètes”, selon le mot du collectif commence à s'étirer en longueur et inquiète une partie des commerçants.
D'ailleurs, certains n'ont pas participé à la journée morte de jeudi. “ Juste une partie des magasins ont participé car depuis la crise, ils ont vu leur chiffre d'affaires baisser et ils ont leurs charges à payer malgré tout : les employés, le loyer... Leur trésorerie ne leur permet pas une journée de grève”, explique Patrick Valies, président des commerçants de Maripasoula.
“Pour la réunion de vendredi, le directeur d'EDF voulait cinq personnes du collectif sinon il ne venait pas. Je rappelle que le collectif des habitants est présent tous les jours de 5h à 19h sur un barrage pour discuter. Nous avons laissé atterrir un avion hier soir pour ravitailler les commerces parce qu'ils nous l'ont demandé. Tout le monde est dans le même bateau à Maripasoula autant pour l'électricité que pour Air Guyane... Soit on est avec les gens soit on est contre”, prévient Juvénilla Peulia.
“Nous sommes solidaires et en accord avec les revendications. Mais ce mouvement nous impacte grandement. Nous voulons être ravitailler et voir qu'on passe des discours aux actes. On espère une ouverture totale, lundi”, se projette Patrick Valies.

Le problème du ravitaillement est d'autant plus crucial que cette année, les abattis du Maroni ont été durement touchés. Il reste très peu de couac dans les villages amérindiens et la crainte d'une période de soudure à affronter se profile selon deux membres de l'agence régionale de santé (ARS).
Nous n'avons pas réussi à joindre des personnes sur place pour obtenir des précisions sur les difficultés rencontrées.

“C'est l'amour du pays qui nous fait tenir. J'adore ma commune, et je veux développer cet endroit mais certains disent qu'il faut préserver alors qu'on a rien. On ose même plus chasser depuis que deux d'entre nous ont dû se rendre au tribunal après avoir tué deux singes. Pendant ce temps, on demande à ce que 120 produits soient protégés par le bouclier qualité-prix de la loi Lurel. Nous n'avons jamais obtenu de réponse”, dénonce Patrick Valies.
Au Centre délocalisé de prévention et de soins (CDSP) et à la pharmacie du bourg, la seule jusqu'à Apatou (Bas-Maroni), au début du mouvement, la pénurie concernant des médicaments nécessaires et vitaux a été évitée de peu. Ce sont des hélicoptères affrétés par l'ARS qui ont amené une caisse d'approvisionnement avec notamment des insulines et des médicaments contre le diabète. “Sans cette intervention, il y aurait eu des morts ou au moins des pertes de chances”, assure un personnel de santé.

Si les urgences trouvent difficilement des solutions, qu'en sera-t-il du long terme ? Celui arrive vite. Vers En 2030, les projections prévoient 71 000 habitants répartis entre les communes de Maripasoula et Papaïchton et 10 000 logements à construire.