Le tribunal administratif pointe du doigt des administrations défaillantes
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Justice

Le tribunal administratif pointe du doigt des administrations défaillantes

Gaëtan TRINGHAM, g.tringham@agmedias.fr
Laurent Martin, président du TA répond à la presse après l'audience solennelle de ce 2 février
Laurent Martin, président du TA répond à la presse après l'audience solennelle de ce 2 février • GAËTAN TRINGHAM

Au cours de la rentrée solennelle du Tribunal administratif de Cayenne, le président Laurent Martin a soulevé les manquements des administrations et le faible accès au droit. Une manière de recontextualiser des sujets d'actualités comme le litige entre la CEOG et le village Prospérité.

C'est dans un Tribunal administratif (TA) bien rempli que le président, Laurent Martin s'installe, jeudi matin lors de la rentrée solennelle. Le juge à la barbe grise bien reconnaissable profite de cette audience pour évoquer "une année de labeur." Pour cause, la juridiction a connu une année record en 2022. 1 900 requêtes ont été reçues, ce qui n'était jamais arrivé auparavant. Seul Mayotte en a reçu davantage dans les Outre-mer.

Autre chiffre, 750 référés ont été enregistrés au cours de l'exercice précédent. 

Laurent Martin se vante peut-être de ce "travail dense et fructueux" mais il n'hésite pas à le contraster avec un "sous-effectif des administrations." Que ce soit à la Collectivité territoriale ou à la préfecture, il dénonce même des "agents pas à la hauteur de ce qu'il faudrait... Des étrangers en situation irrégulière qui cherchent à se régulariser n'ont pas les réponses attendues du service public parce que la préfecture n'a pas les moyens nécessaires pour assumer ses obligations."

"Le ministère de l'Intérieur ne veut pas changer"

Le président du TA propose en ce sens de simplifier les choses. "On est confronté à une forme de conservatisme des administrations et notamment du ministère de l'Intérieur qui ne veut pas changer." En tant que relais de sa juridiction, il affirme être "submergé de référés artificiels" et devoir "passer le temps à travailler pour rien car le préfet pourrait exécuter les OQTF dès qu'il a pris la décision. Il ne le fait pas sauf exception." 

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Laurent Martin s'exprime lors de la rentrée solennelle du 2 février sur l'exigence du droit et de sa connaissance par la population. Un écueil en Guyane et surtout dans l'Ouest de la Guyane. • Gaëtan Tringham

Le tribunal administratif souhaiterait plutôt se consacrer à des "choses plus intéressantes comme l'accès au droit." C'est une problématique qui touche particulièrement l'Ouest guyanais qui est à l'origine de seulement 10% des requêtes enregistrées, alors que cette partie du territoire abrite environ un tiers de la population. "Ils ignorent leurs droits. Les gens ne savent pas quoi faire ou comment se défendre des décisions qui sont prises et qui les touchent."

"Ignorer le droit n'est pas bon pour l'équilibre social"

Laurent Martin poursuit et recontextualise : "Ignorer le droit n'est pas bon pour l'équilibre social d'un territoire. Quand on ne connait pas ses droits, quand les choses prennent une mauvaise tournure, on s'emporte. C'est un peu le cas du village Prospérité. S'ils avaient fait valoir leurs droits devant le juge au bon moment, ils auraient eu une réponse, qui aurait peut-être permis d'apaiser le litige (face à la Centrale électrique de l'Ouest-guyanais ndlr)."

Devant la salle, le président touche un autre point d'actualité relatif aux contrôles renforcés à l'aéroport Félix-Eboué. "Ça ne doit pas mettre à mal les libertés fondamentales des citoyens lambda. Ça a déjà été le cas et l'on doit s'interroger sur la durée de ce dispositif.

Laurent Martin part à la retraite

D'un regard extérieur, la bâtonnière Fabienne Landry tiendra un discours largement élogieux sur le TA évoquant "une juridiction sensible au mode alternatif du règlement des conflits." Seul ombre au tableau selon l'avocate, "la longueur des délais sur l'avancement des affaires et le niveau d'information aux justiciables à améliorer."

On apprend enfin que Laurent Martin prendra sa retraite lors des futures grandes vacances, sans que son remplaçant soit connu. 

Du beau monde dans le tribunal administratif à l'occasion de l'audience solennelle
Du beau monde dans le tribunal administratif à l'occasion de l'audience solennelle, de gauche à droite au premier rang : le procureur Yves Le Clair, Marhez Abassi, président du tribunal de justice, Christiane Taubira, Mathieu Gatineau numéro deux de la préfecture, Joël Sollier, procureur général. • Gaëtan Tringham