Fin de la police de " proximité "à Mont-Lucas

Fin de la police de " proximité "à Mont-Lucas

Nancy LAFINE, n.lafine@agmedias.fr
Après plus de 35 ans de carrière, Jean-Pierre Boyer (à G) et Joseph Esope ont été pendant 4 ans réservistes de la police nationale.
Après plus de 35 ans de carrière, Jean-Pierre Boyer (à G) et Joseph Esope ont été pendant 4 ans réservistes de la police nationale. • DR

Inaugurée dans le quartier de Mont-Lucas en novembre 2021, la permanence de police ferme ses portes.  Les réservistes Joseph Esope et Jean-Pierre Boyer qui intervenaient au sein du dispositif, reviennent sur les raisons de sa fermeture.  

  • En novembre 2021, l'Association citoyenne de Mont-Lucas inaugurait une permanence de police  à laquelle vous étiez affectés. Quel était exactement votre rôle au sein du dispositif ? 

Joseph Esope: En tant que réservistes, on intervenait en milieu scolaire à la demande des chefs d'établissements, auprès des CM1 - CM2 et parfois dans les plus petites classes CE1 - CE2. On  faisait de la prévention contre le racket, le harcèlement, les violences, les phénomènes de bande dans les quartiers... On assurait également la permanence police dans les quartiers de Cabassou le mercredi et Mont-Lucas le jeudi. Un travail était aussi fait avec les bailleurs sociaux.

Jean- Pierre Boyer : Avec les enfants on travaillait  également sur le permis internet.

  • Comment était perçu cette présence policière au sein des quartiers ? 

J-P.B : La police de proximité, c'est une directive gouvernementale.  Notre présence rassurait d'une certaine façon  les gens . 

J.E : La permanence était aussi une volonté de Jawad Bensalah (président de l'Association citoyenne de Mont-Lucas.) C'est grâce à lui que nous avons eu un local à Mont-Lucas. Pour Cabassou, c'est la Siguy qui nous a mis un local à disposition. On y recevait quelques personnes, ou il y avait des courriers sous la porte. Les gens nous contactaient beaucoup par WhatsApp. Les chefs d'établissements étaient unanimement satisfaits de nos interventions. Les enfants étaient très attentifs  à ce qu'on disait. Ils posaient des questions, sur nos carrières de policiers, certains se confiaient aussi sur leur vie privée... Ça marchait super bien ! 

 

 

  • Aujourd'hui cette permanence ferme ses portes et vous avez démissionné de vos postes de réservistes.  Pourquoi ?

J.E : Pour le manque de reconnaissance de notre hiérarchie ! Je dirais même qu'on nous mettait souvent des bâtons dans les roues. Il y avait aussi des soucis avec la paie, mais on a tenu le coup par amour de notre job. Au départ de mon collègue, j'ai décidé de rester car il y avait une programmation déjà établie avec les établissements jusqu' en avril-mai. Mais ils ont été trop loin il y a deux semaines.

J-P.B : Avec mon collègue, nous avons 60 ans, 35 ans de carrière dans la police nationale - en tant que majors - plus 4 ans en tant que réservistes. Être considérés comme des petits bébés qui vont à l'école après autant d'années... non ! Moi j'ai arrêté en septembre 2022. Les conditions n'étaient pas présentes pour qu'on puisse travailler sereinement. Je ne parle pas des retards de paie. J'ai arrêté la réserve en septembre, j'ai reçu les règlements pour avril - mai - juin en novembre.

 

Peu de considération de la hiérarchie 
  • Quel est l'élément déclencheur qui a précipité votre départ ? 

J.E : Il y a 15 jours, avant d'aller faire mes missions en extérieur, comme toujours je suis passé au service [ commissariat, Ndlr] pour notamment traiter mes mails et autres. En arrivant devant mon bureau, celui-ci était totalement vide. Plus de meubles, plus d'ordinateurs ... C'est un collègue qui m'a prévenu que le DTPN (Direction territoriale de la police nationale) avait décidé d'en faire un vestiaire. Visiblement c'est plus important pour lui d'avoir un vestiaire qu'un bureau pour ses réservistes. Sincèrement, ça m'a cassé les bras en plus du moral. Ce manque de respect m'a convaincu de partir. Les choses auraient pu être différentes. Sincèrement je ne voulais pas recommencer la même aventure d'être en errance dans le commissariat en attendant de pouvoir m'assoir à un ordinateur afin de remplir mes tâches administratives. Dès le début c'était déjà difficile. C'était un peu le jeu de la chaise musicale. Dès qu'un collègue n'était pas à son poste, on en profitait pour remplir nos tâches administratives. J'ai donc à mon tour démissionné. 

J-P. B : Nous avons arrêté par la force des choses.  Rien n'a été fait pour qu'on reste. Il faut bien noter que nous avons été réservistes pendant 4 ans et que pendant 3 ans, il n'y a pas eu de bureau pour nous au sein du commissariat. On nous déménageait toutes les semaines. Pareil, on n'avait pas de véhicule de service, mais après nos missions à l'extérieur il fallait revenir au commissariat pour pointer. Toutes nos missions à l'extérieur étaient faites avec nos véhicules personnels. Et pour finir, nous étions en tenue de policier sans arme, ce qui est complètement contraire aux normes de sécurité dans la police nationale. 

  • Vous avez eu un retour de votre direction à ce sujet ? 

J.E : Le bureau a été vidé sans aucun préavis d'expulsion. j'ai été mis devant le fait accompli. Une fois qu'ils ont reçu ma lettre de démission, ils ont voulu me rencontrer. J'ai refusé ; Le mal était déjà fait et il fallait penser et chercher à me rencontrer avant.  

J-P.B : Quand j'ai envoyé mon courrier de démission de la réserve, je n'ai eu aucun retour ni de nouvelle de la direction. 

 

* Nous n'avons pas pu joindre la direction de la police nationale à ce sujet.