Les avocat-e-s sont là, au lendemain de la saint-Yves, le saint patron des hommes de loi, de la femme et de l’orphelin.
“Il était très fier de son prénom : Étienne et Yves. Il insistait pour que nous fassions quelque chose le jour de cette fête. Il aimait son métier et le transmettait avec passion. Il a plaidé jusqu'à ses 80 ans. C'est un homme délicieux, charmant, un confrère d'exception”, évoque, avec émotion, maître Elisabeth Ewstifeiff sur le parvis de la cathédrale.
La famille de M. Barrat se présente solidaire derrière le défunt. Marc, André, Patricia prennent soins de leur maman.
Le père Catherine récite une prière avant d'entrer dans l'enceinte et béni la dépouille.
Dans l'assistance, on reconnaît Christiane Taubira, Rodolphe Alexandre, Joëlle Prévôt-Madère, Gabriel Serville, président de la Collectivité territoriale de Guyane, madame le bâtonnier Landry.
La chorale entame magnifiquement le psaume de la création. “Mon dieu tu es grand, tu es beau...” André Barrat remercie chaleureusement le groupe de chanteuses.
Sur un banc, accompagné de maître Robert Robeiri et maître Émile Tshefu, Maître Guéril se souvient de son ami d'enfance. Leur première rencontre chez les sœurs puis le lycée Félix-Éboué avec M. Nonnon comme professeur d'histoire. Ensuite, les deux futurs avocats choisissent des villes différentes pour leurs études. Montpellier pour M. Barrat en sciences-politiques, Paris pour M. Guéril. “Mais on se retrouvait souvent. Il montait sur Paris. C'était un ami, du premier jour au dernier”, raconte l'avocat père de maître Régine Guéril-Sobesky.
Fidèle en amitié, fidèle en amour, à son épouse Thérèse, mariée en 1960, fidèle en politique aussi.
“Il s'est engagé au PSG par amitié à Élie Castor. Etienne-Yves était un libéral, socialiste, profondément humaniste, touché par la misère qu'il rencontrait à Cayenne”, assure l'historien Rodolphe Alexandre qui prépare un livre sur Justin Catayée.
“Son adhésion au PSG suscitait l'étonnement, lui le fils du Docteur Barrat, le terrible adversaire de Justin Catayée, fondateur du PSG”, remarque l'ancien président de la CTG.
En effet, Roland Barrat appartenait à la droite gaulliste RPF-UNR. Il fut ancien maire de Cayenne (1953-65), puis président du Conseil général (1951-58). A l'époque la région n'existe pas.
Son fils Étienne-Yves se lance en 1970, quatre ans après son retour au pays. “Il a été élu conseiller général du canton ouest de Cayenne de 1970 à 1976, il avait battu le conseiller général sortant l’inamovible Paul Rullier … Une surprise ! Il a alors intégré la majorité du Conseil Général présidé par Léopold Héder accompagné des jeunes de l’époque Claude Ho A Chuck, Yves Robo et Georges Giffard” se souvient Antoine Karam, ancien président de la région Guyane, au micro de Catherine Lama pour Guyane la 1ère.
Il fut aussi un père de famille qui laisse ses enfants perpétuer l'héritage familial, sans robe d'avocat mais avec un cabinet d'architecture reconnu pour André et des films à succès pour Marc.
Étienne-Yves Barrat a été enterré au cimetière de l'avenue d'Estrées.
“Il rejoint ses amis partis plus tôt vers l’Orient: le président-député du Conseil général Élie Castor, le maire de Cayenne Gérard Holder, le président de Région-Sénateur Georges Othily et le Sénateur Raymond Tarcy”, conclut Rodolphe Alexandre dans un hommage partagé sur les réseaux sociaux.
Les hommes et femmes qui ont façonné la mémoire récente de la Guyane s'en vont. Ils nous rappellent la difficile tâche qui incombe à la génération de leurs enfants et petits-enfants de leur succéder avec le même amour de la Guyane qu'ils avaient chevillé au corps.