"Je plaide pour un cessez-le-feu entre Guyanais"

Marie-Laure Phinéra-Horth, la sénatrice, s'est exprimée à cœur ouvert dans un discours direct et impactant sur le processus d'évolution statutaire.
Chers citoyens de Guyane, Mesdames et messieurs,
Nous voilà, une nouvelle fois, réunis en congrès. Une énième fois, pleins d'espoir, optimistes sur l'issue des travaux. Et pourtant, cet après-midi, nous nous quitterons avec autant de questions qu'en arrivant, l'espoir en moins. Je suis désolée de plomber l'ambiance, mais vous connaissez mon franc-parler. Il est grand temps de crever l'abcès. Il est temps de nous parler avec franchise. Pour moi, ces congrès s'apparentent au mythe de Sisyphe, condamné à pousser pour l'éternité un énorme rocher jusqu'en haut d'une montagne. Le mythe de Sisyphe symbolise une tâche interminable et ardue qu'il faut toujours recommencer pour un résultat incertain.
Ceux qui nous ont précédé, Justin Catayée, Georges Othily, Léopold Héder ont fait le même constat que nous : la Guyane mérite un statut spécial. Nous ne pouvons pas continuer à jouer avec l'avenir de notre pays. Cette évolution est nécessaire.
Rechercher de manière obstinée un bon compromis
Tous ensemble, nous voulons un projet qui permettra de déterminer le cadre économique, politique et administratif de notre territoire. Un projet qui nous ressemble. Et qui nous rassemble. Mais depuis des décennies, nous sommes incapables d'avoir ce dialogue patient. Nous sommes incapables de rassembler nos énergies dans le respect des convictions politiques et idéologiques des uns et des autres.
Pire, ces congrès, voire les différentes réunions auxquelles nous sommes invités à assister, servent de calendrier politique pour certains. Nous devons avoir le courage politique de rechercher de manière obstinée un bon compromis entre les positions des uns et des autres.
Nous devons avoir la maturité politique pour parler d'une seule voix face au gouvernement. L'État connaît nos divisions. L'État ne sait que trop bien que nous sommes incapables de nous entendre sur les sujets importants. Nos mésententes, notre désunion jouent en notre défaveur. Et cela depuis trop longtemps.
Quand le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer dit que la question de la réforme institutionnelle n'intéresse que les élus et pas la population, il se fonde sur notre impuissance à nous transcender sur ce dossier important. Nous transcender et aller au-delà de nos différences politiques. Il se fonde aussi sur notre incapacité à intéresser la population à cette question.
Nos calculs politiciens nous ont conduits dans cette impasse
Mais comment convaincre les Guyanais quand nous leur proposons à longueur de journée l'image d'une classe
politique divisée ? Je ne suis pas adepte de la pensée unique. Loin de là. La pluralité voudrait que nous défendions tous des idées qui nous sont propres, qui nous sont chères. Mais...
J'insiste là-dessus : nous devons concéder que le courage politique voudrait que nous, tous ensemble, nous mettions les intérêts de la Guyane avant toute ambition personnelle.
Nous ne pouvons plus continuer à dire à la population que l'État est le seul responsable de la situation actuelle de la Guyane. Nous ne pouvons plus continuer à nier notre implication dans les échecs passés. Oui, l'État a sa part de responsabilité. Eh oui, nous avons aussi notre part. Nos calculs politiciens nous ont conduits dans cette impasse. Voilà plus de cinquante ans, au bas mot, que nous requérons un statut spécial qui sied à notre situation géographique et à notre désir de développement.
Démontrer notre maturité
Nous ne pourrons prétendre à plus d'autonomie qu'en démontrant au gouvernement que nous sommes désormais suffisamment matures. Que nous sommes capables de nous entendre dans l'intérêt de notre pays.
Nous devons admettre que la question statutaire est un débat guyano-guyanais que nous devons régler entre nous et dans l'apaisement, afin d'exprimer d'une seule voix notre volonté. Pour ce faire, je plaide pour un " cessez-le-feu " entre Guyanais.
Nous devons enterrer la hache de guerre. D'aucuns diront que je n'ai apporté aucune proposition sur l'aspect technique de l'évolution statutaire. Ce n'est pas une omission mais une volonté parce que je fais confiance à mes compatriotes qui font partie du Copil.
Justin Catayée disait que " c'est par une collaboration intime de tous les éléments qualifiés que nous arriverons à effectuer un travail constructif ". Il avait aussi ajouté " Demain, il sera peut-être trop tard ".
Chers élus, faisons-en sorte qu'il ne soit pas trop tard pour nos enfants et nos petit-enfants.