Évolution statutaire : « Une fenêtre de tir fin 2023, début 2024 »

A la veille de la réception des élus d’Outre-mer à l’Élysée et avant la rencontre entre les sept signataires de l’Appel de Fort-de-France et le ministre de l’Intérieur, le président de la Collectivité territoriale Gabriel Serville s’est entretenu avec Jean-François Carenco, ministre délégué aux Outre-mer. Interview
On a fait le tour de tous les sujets qui concernent la Guyane. Bien évidemment, on a parlé du phénomène d'insécurité sur le territoire et on a longuement parlé du sujet concernant l'évolution statutaire. Sur ces deux points en particulier, on a eu un ministre très à l'écoute, qui a fait un certain nombre d'annonces que, certainement, je vais devoir conforter mercredi après la rencontre avec M. Darmanin et le président de la République, mais j'espère que tout cela ira dans le bon sens.
J’ai d’ores et déjà invité M. Darmanin à venir en Guyane à l’occasion des Assises de la sécurité qui se tiendront le 30 septembre prochain. J’espère que le ministre de l'Intérieur pourra aménager son agenda pour venir sur place, parce que souvent, dit-on, les problèmes des Outre-mer sont des problèmes lointains compte tenu de la distance qui nous sépare de Paris…
Il a déjà apporté une réponse en répondant positivement à la demande du préfet d'un septième escadron de gendarmerie mobile. Un huitième escadron pendant une durée limitée pourrait permettre de rasséréner la population parce qu'en ce moment elle est très inquiète. Il ne faut pas laisser une situation telle que celle-là continuer à prospérer parce que les gens commencent à parler de création de milices pour pouvoir assurer leur autodéfense, et ça je crois que c'est la pire des solutions que l'on pourrait envisager.

Il y a un premier temps qui consiste à mettre en place les forces de l'ordre qu'il faut pour cadrer le territoire et faire en sorte de mettre hors d'état de nuire les éventuels brigands, mais dans un deuxième temps, et c'est la démarche que nous avons initiée, il s'agit d'organiser les Assises de la sécurité pour pouvoir observer tout ce qui peut être fait du point de vue de la prévention, et puis renforcer la partie régalienne, les sanctions, le code pénal, etc…
Les choses sont enclenchées. Moi je continue à lancer des appels au calme pour que la population ne s'en prenne pas à elle-même, parce qu'on sait comment pourrait commencer ce genre de révolte, mais on ne sait jamais où et comment cela pourrait se terminer.
Là aussi, il y a une écoute active, très attentive et positive qui, je l’espère, devrait nous permettre de poursuivre le travail que nous avons entamé via le congrès de Guyane, avec une fenêtre de tir qui pourrait se situer fin 2023, début 2024. Donc les choses sont clairement engagées et je ne peux que m'en réjouir.
L'enjeu, comme je l'ai déjà dit à la Première ministre Élisabeth Borne, c'est bien d'être à l'écoute de ce qui se dit au départ des territoires d'Outre-mer. Je lui avais dit que, pour l'instant, elle avait deux phares pour la guider, le premier c'est la délibération qui a été prise par le congrès de Guyane pour faire en sorte que ce territoire puisse aller vers un statut d'autonomie au sein de la République ; le deuxième phare, c'est l'Appel de Fort-de-France.
Mais ce dernier ne fait que reprendre cette exigence que Paris entretienne avec les territoires une relation qui soit différente. En l'occurrence, pour ce qui concerne la Guyane, nous préconisons une relation différente à travers l'évolution du cadre statutaire, qui nous permettrait de faire en sorte que l'on applique en Guyane des lois et des règlements véritablement adaptés à nos vérités. Les gens ne demandent pas à couper le cordon ombilical entre Paris et Cayenne, les gens demandent simplement que la responsabilité, le pouvoir d'exécution soient établis différemment. C'est le travail que nous avons commencé à faire à travers les différentes délibérations du congrès. Les choses sont en train de se positionner de manière convergente… Ce qu'il faudrait, c'est que le président de la République, le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer et le ministre délégué puissent avoir une parole très forte sur ces deux sujets fondamentaux qui selon moi vont conditionner tout le reste.
Ce que nous dit le ministre Carenco, c'est que l'État est prêt à nous accompagner « si nécessaire ». Cela veut dire que s'il fallait aller vers une évolution statutaire, l'État serait prêt à le faire. Nous allons nous organiser afin de faire la démonstration que c'est plus qu'une nécessité absolue. Elle a déjà été faite, cette démonstration, depuis la nuit des temps ! Il nous faut une écoute beaucoup plus attentive de la part de ceux qui nous gouvernent à Paris, mais je ne doute pas que la raison et l'intelligence prévaudront et que ce travail d'explication sera réalisé dans les conditions que nous espérons.
Je suis solidaire des autres élus de Guyane qui se posent la question de savoir s'il faut aller ou pas à l'Élysée. Parce que, jusqu'à maintenant, aux yeux de la population guyanaise, cet instant est vu comme un moment festif. Mais il y a des séances de travail qui vont précéder ce moment. Et si le président de la République et son ministre de l'Intérieur prennent la décision de faire des annonces très fortes pour établir une feuille de route, avec un contenu et un calendrier, pour répondre à ces questions d'insécurité et d'évolution statutaire de la Guyane, vous pensez bien que je ne verrai aucun inconvénient à aller partager ce moment de convivialité. Le président de la République a bien dit que ce serait aussi un moment d'échange où l'on va pouvoir continuer la discussion qui a été entamée précédemment.
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Nous le lui avons dit ! Nous l'avons exprimé de manière très claire : le vote en faveur du Rassemblement national qu'on a observé en Guyane et dans d'autres territoires d'Outre-mer n'était pas nécessairement un vote d'adhésion, mais un vote de contestation eu égard à l'indigence de certaines politiques publiques qui ont été appliquées chez nous. Je pense que, autour du président de la République, il y a eu un sursaut d'intelligence pour faire comprendre qu'on ne pouvait pas rester dans le statu quo observé depuis de trop nombreuses années. Si cet élément a été compris par les uns et par les autres, on ne peut que s'en satisfaire.