« On ne refuse pas une main tendue quand on se noie »

La venue du Garde-Des-Sceaux pour trois jours, a déjà offert son lot d'annonces. Cinq renforts immédiats arrivent et une circulaire de 15 pages en direction du Parquet cadre les priorités du ministère public en Guyane.
Dans l'assistance de la cour d'Assises où s'est réuni le monde judiciaire ainsi que les députés de Guyane, jeudi après-midi, afin d'écouter le Garde-Des-Sceaux, Eric Dupond-Moretti, en visite pour trois jours en Guyane, les fonctionnaires de justice et les magistrats font la moue.

« C'est bien mais ce n'est que pour six mois », regrette une magistrate du siège.
« Ce que le ministère doit faire, c'est stabiliser les effectifs. L'attractivité est un problème pour la Guyane mais des gens volontaires et compétents sont là. Nous sommes là. Titularisez-nous », propose une contractuelle de justice dans le secrétariat de direction.
« La question de la titularisation est une bonne question et un axe de réflexion important. Pour ce qui concerne les renforts annoncés par le ministre, je dirai qu'on ne refuse pas une main tendue quand on se noie. Donc toutes les aides sont les bienvenues », reconnaît Mahrez Abassi, président du tribunal judiciaire.
« Je dis oui aux concours nationaux à affectation locale », affirme Eric Dupond-Moretti, rejoignant ainsi l'analyse de Marie-Laure Piazza, première présidente de la cour d'Appel qui souhaite s'appuyer sur l'Université de Guyane pour former les futurs fonctionnaires et magistrats du territoire.
Au-delà des annonces immédiates, la place Vendôme espère des renforts via les mutations de mars... mais pour l'instant, personne ne s'est positionnée sur ces postes.
Une circulaire de quinze pages a été signée lors de cette intervention. Un recadrage des priorités en direction du Parquet et de la population.
« Nous travaillons depuis novembre. Nous avons rencontré l'ensemble des maires », assure Olivier Christen, directeur des affaires criminelles et des grâces (DACG).
« Le spectre de la délinquance organisées (orpaillage illégal, trafics de stupéfiants locaux et internationaux, filières d'immigration clandestine, homicides, délinquance économique et financière...) ne cesse par ailleurs d'augmenter et de s'intensifier. Ces activités illégales sont elles-mêmes génératrices d'une délinquance induite (gangs, violences armes, trafics en tous genres, économie parallèle insécurité du quotidien) », établit Olivier Christen.
Concrètement, dans la circulaire, il est instauré des stages dédiés aux « passeurs de cocaïne », un groupe de travail interministériel dédié aux mules se réunira à la fin de l'année sous l'égide de la DACG et de l'office anti-stupéfiants (Ofast).
Les investigations contre les réseaux ne sont pas oubliées. Deux cellules nationales de renseignements sur les stupéfiants ont été crées. La saisie systématique des sommes transportées en liquide devient le « corollaire indispensable à toute action centrée sur le produit ».
Concernant le trafic d'armes, les opérations pour rendre les armes présentes dans le plan local sécurité de 2017 sont abandonnées. En revanche, les contrôles d'identité avec fouilles des véhicules devra être accru « afin de parvenir à plus grande judiciarisation de ces comportements. »
Des recherches systématiques d'antériorité des armes de classe A et B seront opérées sous l'égide de la Jirs.
Par rapport à l'orpaillage illégal et de manière générale les crimes et délits contre l'environnement deviennent une priorité dans les procédures judiciaires initiées par le Parquet. Le code minier et son article L.621-8-3 est aussi mentionné. Il permet la confiscation de matériel dans des transports non autorisés.
Le comité opérationnel départemental anti-fraude (Codaf) sera mobilisé en partenariat avec le groupe interministériel de recherches de Cayenne. Un pôle criminalité organisé au sein du Parquet a été validé afin de spécialiser des magistrats.
Des priorités multiples qui verront un accroissement des magistrats en septembre 2023. « Depuis trois ans, nous serons à 30% en plus de magistrats et plus de 11,5% de fonctionnaires », énumère le Garde-Des-Sceaux.
Au-delà des chiffres qui montrent que l'Etat budgétise les efforts en direction de la justice, le problèmes des ressources humaines reste important. L'autonomie du monde judiciaire en Guyane est souhaitée par les présidents de juridictions afin de résoudre ces questions.
« Nous nous sommes réunis, lundi avec les présidents de juridictions des Outre-mer. Nous souhaitons que les services supports soient localisés. Une partie de nos ressources humaines est gérée hors de Guyane. Il n'est pas normal que notre service informatique dépende de Nantes, que nos affaires sociales et immobilières soient sur Toulouse. Nos dépenses, nos factures sont liquidées par Fort-de-France. C'est un surcoût sans aucun sens », dénonce Marie-Laure Piazza.
Pendant ce temps, des contractuels perdent leur emploi. La titularisation de ces personnes pourraient créer un appel d'air et permettre à certains habitants de Guyane diplômés d'envisager une carrière dans la justice... chez eux.
La circulaire signée jeudi par le Garde-des-Sceaux, Eric Dupond-Moretti, jeudi à la Cour d'appel de Cayenne.














