Le 13 septembre, Lesnah a sorti son premier album en téléchargement légal. Un tournant pour ce chanteur kouroucien de 22 ans qui a déjà dix ans de musique derrière lui.
La musique urbaine guyanaise est en plein essor. La production augmente d’année en année. Pourtant, la notoriété de nos artistes dits urbains reste plutôt confidentielle. Si leurs clips enregistrent des centaines de milliers de vues sur Youtube, peu d’entre eux dépassent nos frontières, et encore moins parviennent à en vivre.
Sortir un album reste encore rare dans la musique urbaine guyanaise. Quelques mixtapes ont vu le jour, mais il semble que le public attendait un véritable projet.
C’est aujourd’hui chose faite avec Karma, de Lesnah. Un album abouti, contenant onze titres variés pour autant de tubes potentiels. Et chose assez rare pour être signalée, la sortie de l’opus a été largement bien accueillie par le public. À tel point que Karma truste actuellement les premières places du classement iTunes France dans la catégorie « Musiques du monde ».
Lesnah a un parcours particulier (que nous avions déjà retracé dans TV Magazine le 9 avril 2016). À 22 ans, le Kouroucien a déjà dix ans de musique derrière lui ! Il est encore enfant lorsqu’il fait parler de lui la première fois avec le titre Légionnaire ka vini fou. Depuis, le jeune homme a pris son temps, signant tranquillement quelques tubes au fil des ans. Le single Dream lui permettra de gagner son premier Lindor en 2016 et lui ouvrira les portes d’un featuring prestigieux avec le Guadeloupéen Admiral T (Fly away), sur l’album de DJ Ken. Durant les grandes vacances, Lesnah a surpris le public en répondant à l’invitation de K-Reen, sur le titre zouk Soleil de ma vie. Pour ceux qui le connaissent bien, cette escapade musicale n’a rien d’étonnant. Lesnah a toujours été ouvert à différents styles.
Aujourd’hui, il franchit un cap avec Karma. Un album digital enregistré et distribué sans label, de façon indépendante avec ses amis Olawan et Toxine. S’il fait la part belle au dancehall, Karma est assez varié pour plaire au grand public. La sortie et surtout le succès de cet album sont une étape importante pour la musique urbaine guyanaise. L’évolution de celle-ci est en marche.
Votre premier projet Karma est sorti sur internet le 13 septembre. Quels retours en avez-vous ?
Je n’ai eu que des bons retours, ce qui m’a agréablement surpris. Les gens poussent le truc à fond et ça fait plaisir.
Pensiez-vous, depuis longtemps, faire un album ?
Je n’y pensais pas forcément. Ce sont plutôt les gens autour de moi qui me le demandaient. Surtout les grandes personnes, car elles aiment bien acheter les CD, avoir un support concret… Mais nous, on ne savait pas comment s’y prendre, quoi faire en premier, qui aller voir… C’est pour cela que ça a pris un peu de temps. Depuis le single Dream, qui est sorti le 20 mars 2016, nous étions un peu en stand-by. Le studio Sas prod, où on bossait, a fermé. Pendant un an, on n’a donc pratiquement rien sorti. On s’est arrêté un moment, le temps d’investir dans du matériel et de trouver un studio. À partir de là, on a commencé à bosser avec mon ingénieur du son Toxine et à enchaîner les titres. On est d’abord parti sur l’idée d’une mixtape. Puis on s’est rendu compte que l’on pouvait faire plus et ça a donné Karma.
Le résultat est un album varié. Est-ce une volonté de s’ouvrir à différents styles ?
En fait, c’est juste ce que je sais faire depuis longtemps et que le public n’avait pas encore pu voir. Avec Karma, le public va mieux me découvrir. Cet album, c’est ma carte d’identité. Il n’y a pas eu de calculs. Je ne me suis pas dit il faut que je fasse tel genre de morceau pour toucher un public en particulier.
Comment vous vient l’inspiration ?
J’aimerais bien savoir. Je vais en studio avec une clef USB remplie d’instrus et selon la vibe du jour, on en choisit une. Encore une fois, il n’y a pas de calculs. Chaque jour je vais en studio et je fais un son.
Quels sont les invités sur Karma ?
Poplane, Jahsik et Mista Teedjih. Ce sont mes proches. Karma est vraiment un projet qui tourne autour de la vibe. On n’est donc pas allé chercher loin pour les featurings. Pour les compositeurs, j’ai fait appel à Wallass, Yovng Beatz, le Jamaïquain Anju Blaxx, Air Jack, Blue Road, Stomy de AZ sound et Tornes. Wallass et Young Beats sont mes gars sûrs. Il était impensable qu’ils ne soient pas sur mon projet.
Cet album est-il pour vous un premier pas vers la professionnalisation ?
C’est surtout le support qu’il me manquait pour être un peu plus crédible aux yeux du public. Ce n’est pas évident quand tu dis que tu es un artiste, un chanteur et que tu n’as rien à montrer aux gens. Les singles, c’est bien, mais au bout d’un moment, il faut un truc concret !
C’est encore rare dans la musique urbaine guyanaise d’arriver avec un vrai produit payant...
C’est vrai que ce n’est pas très commun au pays. Notre genre est toujours en développement. Il y a plein de bons artistes, ça viendra forcément.
Parlez-nous du titre Mama, dédiée à votre mère décédée...
Mama est le seul morceau que j’avais déjà posé avant de débuter le projet. Je l’ai enregistré en 2014. J’ai pris du temps à le sortir car je ne suis pas le seul concerné. Il y a aussi mes frères, mon père, etc. Il y a des choses que tu n’as pas forcément envie de remettre sur le tapis publiquement… Ca a pris du temps mais ça devait se passer comme ça.
Le titre Guyane, très world music, va surprendre...
C’est une lettre à la Guyane. C’est aussi l’histoire de pas mal de jeunes Guyanais, obligés de partir en France pour faire des études ou des formations. En réalité, il faut être un soldat pour partir en France tout seul et réussir. Il n’y a plus les parents derrière, il faut se démerder tout seul, ce n’est pas simple. J’en ai fait l’expérience. Quand je dis : « mo gadé mo lafinèt, wè kouman syèl la lèd », c’est du vécu.
Vous êtes connu pour vos punchlines, laquelle est votre préférée de l’album ?
Une des mes préférées est dans Shot again, lorsque je dis « Yé ka fè dé buzz é yé krè a dé anthem ». Il y en a quelques-uns dans la musique qui viennent de commencer et qui prennent la grosse tête. Ils se prennent pour des pionniers et des piliers mais le chemin est long.
Le public suit votre évolution depuis enfant. Quel est votre avenir musical selon vous ?
J’ai trouvé ce qui me plaisait dans la vie : faire de la musique. Il y en a d’autres qui sont dans la rue en train de braquer pendant qu’on fait cette interview. J’en suis conscient. Je n’ai pas de limites, ni de barrières. Tant que je peux manger, je mange.
En Pratique!
Lesnah : Karma disponible en téléchargement et streaming sur iTunes, Deezer, Spotify, Google Play et bientôt en physique, en édition limitée :