Blessures par balle et arme blanche : les soignants en première ligne
Le mois d’août a été marqué par de nombreux homicides et agressions, notamment par arme à feu. Les équipes des Urgences doivent soigner des victimes dans des états souvent très graves, et sont aussi parfois elles-mêmes prises à partie. Les victimes sont très majoritairement des hommes, jeunes. Plusieurs arrivées de spécialistes ces dernières années à l’hôpital de Cayenne ont permis d’améliorer la prise en charge des patients traumatisés sévères.
Victimes des armes à feu : à 90 % des hommes, âgés en moyenne de 30 ans
C’est ce que rappelle la thèse du Dr Elliott Beguinot, dont les résultats ont été présentés en mai aux Journées des soignants. Il a étudié les dossiers de toutes les victimes de plaie par arme à feu prises en charge à l’hôpital de Cayenne entre 2016 et 2019, que ce soit aux urgences, par le SAMU ou à l’unité médico-judiciaire (UMJ). Cela représente 340 patients en quatre ans. Soixante et onze sont décédés : 50 sur les lieux, 7 aux urgences et 14 dans une unité d’hospitalisation. Ces chiffres restent toutefois loin de ceux des États-Unis et du Brésil, qui déplorent respectivement 19,4 et 10,6 décès par arme à feu pour 100 000 habitants, chaque année. À eux seuls, ces deux pays pèsent pour un tiers des décès par arme à feu dans le monde.
En Guyane, les victimes de plaie par arme à feu sont à 90 % des hommes, souvent jeunes : la moyenne d’âge est de 30 ans et la très grande majorité avait entre 19 et 41 ans. Les faits se déroulent le plus souvent la nuit (60 %). Les armes d’épaule représentent 82 % des cas où l’arme a été identifiée ; le type de projectile utilisé est le plomb dans 51 % des cas ; dans la majorité des cas (56 %), le tir a été effectué à bout portant. « L’utilisation du plomb explique la faible gravité d’une majorité des patients que nous prenons en charge », souligne le Dr Alexis Fremery (Urgences – SAMU, CHC).
En juin, l’hôpital de Cayenne avait salué l’intervention, couronnée de succès, des équipes de chirurgie sur un patient souffrant de lésions cardio-pulmonaires après une agression à l’arme blanche. « Dans 50 % des cas, les personnes avec ce type de plaies vasculaires décèdent sur place, rappelait le Dr Hakim Amroun (…) Ce qui fait de cette prise en charge quelque chose de particulier, c'était sa rareté et la faible chance de survie. »
Malgré les progrès de ces dernières années, le Dr Fremery tempère : Il y a quelques années, une thèse avait été titrée : L’hôpital de Cayenne, traumacenter malgré lui. Nous sommes le plus gros hôpital de Guyane, mais avec 300 000 habitants, nous ne pouvons pas avoir les mêmes compétences ni le même plateau technique qu’un traumacenter d’Île-de-France qui compte 12 millions d’habitants. En somme, si les équipes hospitalières sauvent plus de vies qu’avant, elles soulignent que ces blessures sont souvent très graves, et qu’il n’est pas toujours possible de sauver les victimes. Or ces événements interviennent dans un contexte de tension qui peut fragiliser les équipes. « Redoublons donc de soutien pour les professionnels de santé, qui ont besoin du maximum de sérénité pour travailler », conclut enfin cet article dans la lettre pro de l'ARS du 9 septembre.