Une épine amérindienne dans la semelle de l'État
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Une épine amérindienne dans la semelle de l'État

A. S.-M.
L'an dernier le défilé des représentants amérindiens était parti de Cépérou, cette année il s'élancera des Palmistes (ASM)
Photo d'archives (ASM)

La France ne signera pas la convention 169 de l'OIT sur les droits des populations autochtones. Pourquoi ?

Le 5 décembre dernier, le sénateur Antoinette interpellait par écrit le ministre des Affaires étrangères sur « les raisons de l'absence de ratification par la France de la convention 169 de l'Organisation internationale du travail (OIT) relative aux peuples indigènes et tribaux » . Dans sa réponse, parue trois semaines plus tard, le ministre mettait en avant « la République une et indivisible » , principe inscrit dans le marbre de la Constitution, interdisant « la mise en place d'un régime juridique distinct entre les citoyens qui créeraient des catégories de population avec des droits différents » . Mais au-delà de l'argument constitutionnel et, dans un sens, philosophique, l'État a-t-il de « bonnes » raisons de ne pas ratifier cette convention ?
LA RESTITUTION DES TERRES
À la lecture du document, il semble clair que sa ratification aurait de fortes implications concrètes en Guyane. Au niveau foncier tout d'abord puisque dans son article 14, la convention 169 précise que « les droits de propriété et de possession sur les terres qu'ils occupent traditionnellement doivent être reconnus aux peuples intéressés » . Autrement dit, dans un département où l'État possède 90% des terres, une partie importante d'entre elles devrait être « restituée » aux Amérindiens. Sur ces terres, selon l'article 15, les populations autochtones auraient des droits inaliénables sur les ressources naturelles. Et même si l'État décidait de conserver la propriété des ressources minières, les populations autochtones auraient un droit de regard et un intéressement dans leur exploitation.
La convention assure également aux populations autochtones des droits tels que celui de disposer, sur leur terre, de services de santé adéquats « sous leur responsabilité et leur contrôle propres » , ce qui signifie aussi pour l'État un devoir de formation. Celle-ci est d'ailleurs imposée dans la partie IV de la convention.
LA FIN DE « L'ASSIMILATION »
L'artisanat, les activités traditionnelles telles que chasse et pêche doivent non seulement être garanties mais aussi favorisées par l'État dans l'optique « d'un développement durable et équitable » . Enfin, et ce n'est qu'un dernier exemple parmi les 44 articles de la convention 169, le droit coutumier doit être reconnu, même en matière de justice. « Nous avons nos propres lois, notre propre spiritualité et nos propres visions du monde » , rappelait Jocelyn Thérèse, porte-parole de la Foag (1), lors de sa déclaration d'ouverture des Journées des peuples autochtones le 9 août dernier. En clair, et cela est inscrit dans son préambule, cette convention vise à « supprimer l'orientation des normes antérieures, qui visait à l'assimilation » .
Retrouvez la convention 169 dans son intégralité sur www.franceguyane.fr.
(1) Foag : Fédération des organisations amérindiennes de Guyane
Ratifiée par vingt pays
Entrée en vigueur en 1991, la convention 169 de l'OIT a été ratifiée à ce jour par vingt pays. Après ratification, « un pays dispose d'un an pour adapter sa législation, ses politiques et ses programmes à la convention avant qu'elle ne devienne légalement contraignante. » (source OIT)
Lire la convention 169 de l'OIT
Télécharger le document au format PDF : Convention 169 relative aux peuples indigènes et tribaux