Sebastien Lecornu : « L’immigration crée une déstabilisation du corps social guyanais »

Dans le cadre de son déplacement en Guyane le 18 janvier 2022, le ministre des Outre-mer a accordé un entretien exclusif à France-Guyane.
C’est le charme des procédures administratives du droit de l’urbanisme et du droit de la commande publique. Il y a beaucoup d’impatience pour que l’Hôtel de police sorte de terre, non seulement chez les policiers mais aussi dans la population.
Je suis venu, non pas tant pour inaugurer un commissariat, car on n’a pas besoin d’un ministre pour cela. Si je suis venu, c’est surtout pour confirmer l’arrivée de 17 nouveaux fonctionnaires de police à Cayenne, dans le cadre de la nouvelle organisation de la police nationale. Il est également prévu un rééquilibrage géographique entre le Maroni et l’Oyapock avec un local de rétention administrative à Saint-Laurent-du-Maroni, attendu depuis plusieurs années. C’est chose faite. Il y a surtout la création d’une sous-préfecture à Saint-Georges-de-l ’Oyapock. C’est le cœur de mon déplacement.
Ceux que j’ai annoncé précédemment. Ce sont des moyens importants. Il y a eu des moments compliqués avec la pandémie et les différents confinements qui nous ont d’ailleurs amené à ajuster notre stratégie de lutte contre l'immigration clandestine. Durant cette période nous n’avons jamais empêché autant d’immigrés clandestins de rentrer sur le territoire guyanais. Je pense que c’est un tout : l’orpaillage illégal, la pêche illégale, l’immigration illégale, et puis vous avez une délinquance endogène mais aussi exogène. L’immigration crée une déstabilisation du corps social guyanais. Ce sont des enjeux pour lesquels on doit mettre plus de moyens. Des agents de police supplémentaires et le local de rétention administrative y participent. Il y a aussi un enjeu de prévention qui passe par les élus locaux, par l’aide sociale à l’enfance…

Quand vous avez un enfant de 9 ou 6 ans qui est déjà en situation de commettre des violences, bien évidement la réponse n’est pas que policière, elle est parentale. Il faut être présent massivement sur l’ensemble de ces moyens. Ce sont des réponses, des adaptations de notre droit aux réalités locales sont indispensables. Typiquement nous souhaitons, comme à Mayotte, augmenter la durée de rétention administrative d’une personne en situation irrégulière, pour permettre aux policiers et aux gendarmes de faire convenablement leur travail.
C’est un enjeu massif que nous avons réussi à tenir durant cette période de crise sanitaire. Il faut le dire : gendarmes, forces armées guyanaises et effectifs de police de l’air et des frontières, nous ont permis de tenir ces frontières. Ces deux dernières années représentent les meilleurs chiffres de ce qu’on appelle « les non-admissions ».

Mandat a été donné au Préfet de faire évoluer notre doctrine en la matière. C’est là que la question de l’immigration clandestine rencontre d’autres enjeux tels que l’orpaillage clandestin qui est rarement le fait de Guyanais ou de Guyanaises ; des complicités guyanaises parfois, mais les garimpeiros viennent du Brésil. Nous avons également un enjeu diplomatique avec deux frontières, deux pays, mais deux niveaux de coopération inégaux. Au Suriname, les prémisses d’une coopération judiciaire d’échange de renseignements, tels que les casiers judiciaires par exemple, avancent. Les échanges judiciaires commencent à produire des effets notamment sur le trafic de stupéfiants, qui prend sa source du Suriname, parfois aussi du Guyana. Mais concernant les relations diplomatiques avec le Brésil, nous devons pouvoir faire mieux et c’est un sujet que nous traiterons durant la présidence française de l’Union européenne, car la question des frontières va être mise sur la table par le président de la République.
En tant que jeune ministre, je suis frappé de voir que ces coopérations débutent parfois seulement. On a su construire un pont sur l’Oyapock, on doit pouvoir enclencher des discussions sur des sujets régaliens.
C’est plutôt la confiance entre les élus et l’État qui règne, et non la sanction. 30 millions d’euros, c’est la première somme qui a été notifiée l’an dernier. Et aujourd’hui, c’est 40 millions d’euros qui vont être notifiés à la Collectivité territoriale. Nous continuons la montée en puissance sur 2022 comme nous nous y étions engagés.
Nous souhaitons mettre en place un débat de vérité avec l’Insee sur la question du recensement qui va nous permettre de calculer un certain nombre de dotations et d’éléments de fiscalité. Si l’État donne de l’argent aux collectivités, c’est pour qu’elles puissent exercer leurs compétences, en matière scolaire ou sur l’accès à l’eau potable. Il y a des contreparties de gestion : il ne faut pas que cet argent serve à faire exploser la masse salariale et ça doit se traduire avec des mesures rapides. La question des routes, des bâtiments scolaires, collèges et lycées ce n’est plus du ressort de l’État. Le président Serville en est au début de son mandat et nous venons aussi lui donner les perspectives d’agir et de faire des choses pour la Guyane.

La question de conflit d’usage de pêche concerne l’Union européenne dans son ensemble. Les opérations qui sont menées par l’État en mer sont des opérations, quasiment, de guerre. Ça implique les forces armées, la Marine Nationale, les unités de d’élite… Nous ne tombons pas sur des enfants de chœur. On mène une à deux actions par an qui ont des vertus dissuasives. Nous souhaitons accentuer ce type d’action avec une montée en puissance, car on ne peut pas se laisser piller impunément notre réserve halieutique.
Nous avons aujourd'hui un certain nombre d’éléments, qui nous permettent de dire que le variant Omicron est plus contagieux mais moins virulent et qu’on s’en tire mieux lorsqu’on est vacciné. Mais nous ne connaissons pas la nature des variants à venir. Il y a une forme d’humilité à avoir vis à vis de ce virus avec lequel nous devrons apprendre à vivre. Le coup de gueule du président est dû au fait que le vaccin est le seul moyen dont nous disposons aujourd'hui pour éviter les formes graves. La recherche continue pour parvenir à un traitement médicamenteux. Mais il ne faut pas croire qu’on s’attache au vaccin pour le vaccin, nous veillons juste à ce que les personnes ne meurent plus de la Covid-19.

Depuis 10 ans, tout le monde parle de l’égalité réelle ; mais d’un autre côté, tout le monde nous dit : « laissez-nous faire vous n’y comprenez rien, vous êtes trop loin ». Il va falloir trancher ce débat. C’est un débat qui est noble qui est digne d’une campagne présidentielle. Je ne regrette pas d’avoir jeté ce pavé dans la mare parce que ça pose également la question des relations avec l’Hexagone, avec Paris, avec le Préfet. Qu’est-ce qu’on attend de l’État local et qu’est-ce qu’on attend de l’État à Paris.
Je suis ministre depuis cinq ans, et ce n’est pas mon premier déplacement en Guyane. Tout ce que j’entreprends aujourd’hui, ce sont des rendez-vous qui étaient déjà annoncés depuis de nombreux mois. Jusqu’à présent, le président de la République est toujours président et non pas candidat. Il y aura le moment de la campagne. Pour l’instant, je suis ministre et j’entends bien être en responsabilité jusqu’à la dernière minute.





