Gilles Kepel : « Il n'y a pas d'état de guerre en France »

Gilles Kepel : « Il n'y a pas d'état de guerre en France »

Propos recueillis par Samuel RIBOT
(Hélie Gallimard)
(Hélie Gallimard)

Spécialiste de l'islam et du monde arabe contemporain, Gilles Kepel vient de publier Terreur sur l'Hexagone, un ouvrage qui retrace le basculement vers le djihad « de troisième génération » . Celui-là même qui a frappé la France en 2015.

État d'urgence, perquisitions administratives... Que vous inspirent les réponses politiques apportées au phénomène terroriste ?
Les mesures de police, l'état d'urgence, ce sont des mesures symptomatiques. Comme quand on met un garrot pour stopper un saignement. Mais il faut faire attention à ne pas tomber dans le piège tendu par Daesh, qui veut réduire la capacité démocratique de la France. D'autant que, selon moi, en novembre 2015, Daesh a raté sa cible.
En quoi ont-ils « raté leur cible » ?
L'économie politique du terrorisme djihadiste est à la fois fragile et double : d'une part, il faut sidérer l'adversaire, l'obliger à se raidir, et d'autre part, il faut galvaniser les sympathisants pour avoir des soutiens. Or, contrairement au 7 janvier, on peine après le 13 novembre à trouver des gens qui expriment publiquement le moindre soutien à Abaaoud (1) et à ses comparses. Le fait que ces attaques aient ciblé de manière indiscriminée la jeunesse, dans laquelle il y avait aussi de jeunes musulmans, a suscité un rejet massif.
Nos responsables politiques ont-ils perçu ce changement ?
Je ne suis pas complètement sûr que les autorités françaises se soient donné les moyens d'analyser ce phénomène dans ses dimensions politique et culturelle....