L'identité du corbeau révélée dans l'affaire Balmokoun

Une lettre anonyme, écrite par des enfants de 5 à 6 ans, en 2019 a relancé l'enquête concernant la disparition de Thu Ha Tran Thi de 2016. Celle-ci a abouti à la condamnation de Germain Balmokoun à 25 ans de prison pour assassinat sur sa femme, mardi.
L’enquête sur la disparition de Thu Ha Tran Thi piétine trois ans après les faits. Épouse de Germain Balmokoun, Thu Ha est une ressortissante vietnamienne, qui disparaît du domicile conjugal dans la nuit du 2 au 3 décembre 2016.
En 2019, l’enquête va prendre une nouvelle orientation, grâce à une lettre anonyme transmise à la gendarmerie de Saint-Laurent.
La lettre fait mention d’un attroupement de chiens sur le terrain de Balmokoun, à Mana. Elle précise aussi un emplacement particulier du terrain, le 3e poteau EDF. Les enquêteurs découvriront à cet endroit les ossements de Thu Ha Tran Thi.
L’auteur de cette dénonciation a été identifié ultérieurement. Il est instituteur en maternelle, possède un terrain proche de celui de l’accusé, et a déjà eu l’occasion de travailler pour lui. Convoqué à l’audience d’assises chargée de juger Balmokoun, du 15 au 19 septembre, il fait un récit des éléments qui l’ont poussé à écrire aux gendarmes.

Il rappelle que cette lettre "ce n’est pas [lui] qui l’a écrite, mais les élèves". Ainsi, la dénonciation est formée par une suite d’expressions dictées aux enfants et mises bout à bout.
Le corbeau va ensuite revenir sur les trois faits qui ont retenu son attention dans les premiers mois de 2017. Outre les groupes de chiens rassemblés sur le terrain aux aurores, il a vu émerger un tas de terre d’une hauteur d’environ 1,80 m., empiétant sur la piste qu’il emprunte au niveau du lieu où est retrouvée la dépouille de Thu Ha. Par ailleurs, il a eu l’occasion de voir plusieurs feux d’une intensité importante, allumés dans la soirée, ce qui ne correspond pas aux horaires normaux des brûlis pratiqués par les agriculteurs locaux.
À la vue de ces éléments, le maître d’école va, selon ses propres aveux, se "questionner longtemps sur la bonne chose à faire", et décider de faire émerger la "vérité". C’est ainsi qu’il justifie l’envoi de la missive, tout en s’abritant derrière le pseudonyme de chasseur d’iguanes.
Lors de son audition devant la Cour, l’individu précise qu’il "ne savait pas ce que les gendarmes allaient trouver". Quand il est interrogé sur les motifs qui l’ont poussé à garder l’anonymat, il énonce qu’il avait peur des conséquences d’une telle dénonciation. Il indique qu’il a fait l’objet de pressions de la part d’un gendarme. Ce dernier l’a menacé d’une garde à vue s’il ne disait pas tout ce qu’il savait.
Il ajoute à demi-mots qu’il ne voulait pas s’opposer à un hypothétique réseau d’influence saint-laurentais, auquel l’époux de Thu Ha aurait appartenu.
Si les modalités d’écriture du corbeau questionnent sur un plan éthique, c’est malgré tout grâce à lui qu’une enquête qui était au point mort a pu reprendre et aboutir à la condamnation du mari de Thu Ha.