Pêche illégale : les chiffres étonnants du patrouilleur « La Confiance”

L'attribution d'un nouveau commandant au patrouilleur La Confiance a mis en exergue le bilan famélique des missions de surveillance des côtes du bâtiment pendant dix-huit mois : six déroutements de navires et destruction de deux embarcations « en action de pêche illégale ».
L'information est passée inaperçue en cette fin d'année, pourtant elle révèle la déconnexion de certains services avec la réalité qu'ils doivent affronter.
En décembre, lors de la prise du commandement du patrouilleur La Confiance, qui officie dans nos eaux, un bilan des activités de ce navire, qui a pour mission : la lutte contre la pêche illégale et la protection des approches maritimes du centre spatial guyanais... pendant un lancement, a été publié.
Pour que la Grande muette sorte de son silence, les chiffres devaient valoir le détour. De quoi bomber le torse, le jour de la cérémonie d'intronisation du nouveau commandant, le lieutenant de vaisseau Côme Manoury.
En 18 mois de service, les 25 membres de l'équipage ont parcouru 13 902 nautiques. Un nautique ou mile marin équivaut à 1 852 mètres. Donc La Confiance s'est répandue sur 25 746 kilomètres soit... 47 kilomètres par jour, même pas un aller retour de la Cathédrale Saint-Sauveur au bourg de Macouria.
Au moins, le bilan carbone de ce mastodonte des mers... guyanaises ravira des écologistes enclin à la solastalgie mais à ce rythme on se demande si les marins crient « Faites-moi confiance » ou « Fête-moi la Confiance ».
Une dernière expression sûrement populaire auprès des pêcheurs illégaux car lors de ces déplacements pendant dix-huit mois, les 25 marins ont appréhendé 8 navires « en action de pêche illégale ». Six ont été détournés et deux détruits. Et encore, les deux détruits ont nécessité l'aide « des autres services de l'Etat », explique le communiqué de la marine nationale.
Il faut peut-être croire que les navires de pêche illégaux se cachent dans la mangrove foisonnante de la Guyane quand ils voient approcher nos vaillants marins... Hum pas vraiment, d'après les reportages de Guyane la 1ère à Iracoubo (ici ou là) ou l'article de Guyaweb (là).
« Le dernier survol du WWF en septembre dernier a observé 29 tapouilles, et encore, rien qu’à l’Ouest », précise Laurent Kelle du WWF Guyane. Un précédent survol de l’ONG, en octobre 2021, avait comptabilisé 25 navires illégaux avec « des filets longs de huit kilomètres », ajoute-il dans un article de Guyaweb.
Ah des filets, nos hommes à pompon en ont saisis : 43 kilomètres. Alors si un filet mesure 8 kilomètres de long, … hum, autant dire que La Confiance a enlevé de nos eaux territoriales cinq filets. Autant que de tirs aux buts pas arrêtés par Hugo “La colador” Lloris lors de la coupe du monde au Qatar. Beaucoup trop dans le second cas, pas assez dans le premier.
Une histoire de perspective pourront donc rétorquer ceux qui n'aiment pas l'humour grincheux de fin d'année. Comme il est écrit dans le Cid : “Trop de confiance attire le danger”. Certes, mais les conséquences sont là.
En 2012, 6 500 tonnes de poissons étaient prélevées illégalement dans l’hypothèse moyenne émise par l’Ifremer et plus de 10 000 tonnes dans l’estimation forte. La filière légale totalisait 3 000 tonnes.
« Cette année nous sommes à moins de 1 000 tonnes » estime Léonard Raghnauth, président du comité des pêches maritimes de Guyane. « Seuls 26 bateaux sur les 130 de la flotte guyanaise peuvent actuellement travailler à cause de difficultés administratives. Nous sommes asphyxiés par les illégaux qui ont moins de ressources chez eux et viennent nous piller », conclut-il auprès de Guyaweb.
Un problème dont a pris conscience l'Etat. Une étude va être menée pendant douze mois à partir de janvier “afin de mieux orienter la lutte et développer la filière légale”. Une dépense de 180 000 euros quand même.
Comme disait la romancière québecoise Jovette-Alice Bernier : « La confiance, d'accord, mais c'est quand même ce qui fait les cocus. »
Guyane la 1ère à Iracoubo Guyaweb Mobilisation de la population d'Iracoubo