Dans un billet titré « Quand la mort nous ramène à l'essentiel », paru dans l'édition de « France-Antilles Guadeloupe » du jeudi 24 juin 1999, notre consœur Annick Fabrice témoignait de l'onde de choc déclenchée deux jours plus tôt par le décès brutal de l'auteur-compositeur-interprète guadeloupéen qui n'avait rien à envier aux plus talentueux des musiciens du déjà groupe mythique « Kassav ». Notre confrère André-Jean Vidal ajoutait : « (...) Un rien glamour, la voix chaude, fort d'une audience rarement égalée, il remuait les foules (...) ».
Le samedi 19 juin 1999, quatre jours avant le drame qui lui a coûté la vie, Gilles Floro était applaudi par des milliers de spectateurs à Trois-Rivières lors de la Fête de la musique, avec le groupe « Exotic ». C'était sa dernière scène.
Sans aucun doute, une seconde d'inattention, et toute une vie, encore trop courte, s'en alla.
Depuis le matin de ce mardi 22 juin 1999, Gilles Floro tentait d'installer une antenne parabolique sur le toit de sa maison située à Gourbeyre, sur la Basse-Terre, en Guadeloupe. Il s'était fait aider par un ami. En début d'après-midi, il restait à effectuer les réglages. Il sollicitait alors l'intervention d'une voisine. Celle-ci se plaçait à l'intérieur de la maison, devant le poste de télévision pour donner les indications nécessaires à Gilles Floro qui se trouvait sur le toit.
L'antenne parabolique avait été fixée à une hampe reliant la maison au réseau électrique. Après quelques échanges de vive voix, la voisine entendit le bruit sourd d'une chute sur le sol du jardin. En quelques secondes, elle pressentit alors le drame qui venait de se jouer. Elle accourut et découvrit Gilles Floro, inerte, allongé sur l'herbe. La jeune étoile guadeloupéenne venait de recevoir une puissante décharge électrique. Peut-être aurait-elle pu s'en remettre, mais ce choc électrique fut suivi d'une chute de plusieurs mètres.
Peu après l'arrivée des pompiers, et après des tentatives répétées de réanimation, le Samu ne pouvait que constater de décès de l'artiste.
« Comment est-ce possible ? Perdre la vie en un éclair... ». Bien vite, ce mardi 22 juin 1999, toutes les Antilles-Guyane et ailleurs sont restés perplexes. Parmi toutes les réactions, celle de Lucette Michaux-Chevry, la présidente du Conseil régional de la Guadeloupe qui déclarait : « Je souhaite que la souffrance que chacun de nous peut ressentir aujourd'hui nous aide à comprendre que le futile du quotidien est souvent dépassé par l'intemporel. Inclinons-nous ensemble devant cette disparition brutale ».
Une formidable dynamique était alors lancée pour accompagner l'artiste à sa dernière demeure, au cimetière de Gourbeyre, et surtout lui rendre un hommage à l'aune du large succès qu'il avait su gagner sur la scène musicale.
Nos confrères témoignent dans l'édition de « France-Antilles Guadeloupe » du jeudi 24 juin 1999 : « Des centaines de fans et d'amis sont venus des quatre coins de l'archipel guadeloupéen pour manifester leur admiration à l'artiste brutalement disparu.
A Basse-Terre, la rue Lardenoy, où le corps de l'artiste était exposé depuis mardi soir, était devenue trop petite pour accueillir des centaines de voitures. En effet, les Guadeloupéens n'avaient pas hésité à faire le déplacement en masse jusqu'au funérarium Arca pour montrer toute l'admiration qu'ils avaient pour Gilles Floro.
Tous avaient partagé une partie de leur vie avec le chanteur et ses succès, d'une manière ou d'une autre ».
« Mardi soir, des adeptes du gwo-ka ont rendu un hommage fort mérité à l'artiste qui, tout au long de sa vie, a su se faire apprécier de tous. Ils ont animé sa veillée mortuaire, jusqu'au dernier chant du coq. Hier, mercredi 23 juin 1999, tout au long de la journée, ceux pour qui la disparition de Gilles Floro représente déjà une grande perte, ont défilé devant le salon Topaze. Les propos de certains, les gestes des autres ont suffi pour comprendre la place que Gilles Floro occupait dans leur vie. Beaucoup se sont penchés sur son cercueil et se sont rendu compte que l'état de son visage ne reflétait aucune tristesse, comme s'il voulait dire à ses proches : ''acceptez ma mort comme un passage obligé de la vie, sans verser de larmes !'' ».
Le jeudi 24 juin, sa commune natale tenait à lui rendre, elle aussi, un hommage particulier. La dépouille mortelle allait être exposée à la mairie de Gourbeyre en fin de matinée, dans l'attente des obsèques solennelles prévues dans l'après-midi, à partir de 16h30, à l'église paroissiale.
Nos confrères de « France-Antilles Guadeloupe » relatent le triste événement dans l'édition du vendredi 25 juin 1999 : « Des milliers de personnes s'étaient rassemblées hier à Gourbeyre pour les obsèques particulièrement émouvantes du musicien basse-terrien. Fans, artistes, parents, très émus, ont rendu hommage au jeune défunt (...). Aucune Fête de la musique, en région basse-terrienne, n'avait rassemblé autant de musiciens. Quelques-uns ont joué, en guise d'ultime hommage. Aucune cérémonie religieuse, en l'église de Gourbeyre, n'avait réuni autant de fidèles. On le pressentait d'ailleurs, au vu de la foule qui s'était empressée de se rendre aux côtés de la dépouille mortelle de Gilles Floro, dès l'annonce du tragique accident (...). Oui, on se souviendra encore longtemps de cette image toujours souriante, de celui qui avait toujours une histoire drôle à raconter à ses amis, de celui qui avait tant de projets en faveur de la musique, de celui qui reflétait la simplicité et la modestie. On se souviendra encore longtemps de ce drame qui est intervenu au lendemain de la dernière Fête de la musique de ce siècle ».
L'artiste, qui avait pu se rétablir après un accident de la circulation survenu en 1997, a été fauché cette fois par le destin alors qu'il avait un disque en préparation. Cet album posthume intitulé »Désolé« sortira quelques mois plus tard. Il laissait aussi inachevée la préparation d'une manifestation baptisée « 40 tambours contre le son de la violence » prévue le vendredi 2 juillet 1999 dans le cadre du festival des carnavaliers avec l'association « Riviè-la » de Trois-Rivières et un spectacle qui devait créer l'événement le dimanche 25 juillet 1999 dans les jardins de l'Artchipel à Basse-Terre.
La manifestation « 40 tambours contre le son de la violence » a bien eu lieu, mais le mercredi 21 juillet 1999, et elle est devenue un gigantesque concert-hommage à Gilles Floro qui a réuni plus d'une centaine d'amis musiciens et danseurs dans les jardins de l'Archipel.
Pourquoi Gilles Floro est-il devenu une légende et icône de la musique antillaise et que ses titres sont toujours très appréciés sur les médias, lors des soirées, et autres événements festifs ? C'est parce qu'il a su développer un nouveau style de zouk, richement harmonisé et empreint de sensualité. Une recherche poussée des harmonies, des accords et des mélodies qui fait, comme en témoignait Hyver Abydos, chanteur du « Typical », dans l'édition de « France-Antilles Guadeloupe » du jeudi 24 juin 1999, qu'« il portait une touche particulière à notre musique ». Il est resté un des musiciens zoukeurs les plus doués et précoces de son époque, et innovait avec de nouvelles sonorités, à l'instar de « Kassav ».