Les Amérindiens passent à l'offensive à Prospérité
CEOG

Les Amérindiens passent à l'offensive à Prospérité

Samuel Zralos
Résistance kali'na à Prospérité
Christophe Yanuwana Pierre, quatrième aux dernières législatives, membre de la jeunesse autochtone, Roland Sjabere, yopoto du village de Prospérité posent avec d'autres capitaines de villages amérindiens devant le drapeau des six nations autochtones de Guyane sur le site du chantier de la centrale électrique de l'Ouest guyanais • SZ

Quelques centaines d'opposants à l'emplacement actuel de la future centrale de l'Ouest guyanais (Ceog) se sont rassemblés sur le chantier ce matin. La rupture des négociations officiellement actée, les mots ont été forts, les actes plus mesurés. 

Le conflit entre le village de Prospérité, de son nom Kali'na Atopo Wepe, et le projet de centrale électrique de l'Ouest guyanais (CEOG) a franchi une nouvelle étape ce mercredi 9 novembre.

Les voitures défilent sur Prospérité ce matin, depuis Kourou, Mana, Cayenne ou Iracoubo. Un peu plus de deux cents manifestants, pour la plupart améridiens, se sont rassemblés au village avant de converger sur le chantier de la Ceog. 
 
Sur place, la tension est palpable entre le responsable du chantier,très nerveux, et des opposants fort remontés. La fin des négociations, secret de polichinelle tant celles-ci étaient stériles depuis de longs mois, est actée côté amérindien. « [La Ceog] se répète encore et encore depuis quatre ans, maintenant je ne suis plus dans le dialogue, on exige juste le déplacement de ce projet », assure ainsi Roland Sjabere, yopoto du village Prospérité.
 
« Occuper les terres »
 
Alors que les jeunes du village et des sympathisants venus en soutien démontent les grilles du chantier et renversent le panneau qui en orne l'entrée, le yopoto de Prospérité annonce sa volonté « d'occuper le chantier » sur la durée. « On va rester là, si les machines redémarrent on va les bloquer ». 
Les Kali'na investissent le chantier de la CEOG
Plus d'écoute, ni de discussions entre les habitants de Prospérité et HDF, la société qui dirige le projet de centrale électrique. Des destructions minimes ont été effectuées par les manifestants, mercredi 9 novembre. • SZ
A ses côtés, Christophe Yanuwana Pierre se déclare « prêt à à passer Noël et le nouvel an sur le chantier » si nécessaire, avec pour seul objectif, martelé par tous les participants, « le déplacement du projet ». Le militant réfute tout lien avec une Zad, « une stratégie de métropole » qu'il dit peu connaître. Lui s'appuie avant tout sur les stratégies « d'occupation de terres des autochtones d'Amérique du sud ».  
 
Reconnaissant être moins fort que la Ceog sur la « stratégie marketing » et la « communication », le candidat aux dernières législatives refuse de « s'enliser dans une guerre des médias » et insiste : eux lutteront « sur le terrain » avant tout.
 
Des actions qui restent mesurées
 
Au delà de ces discours forts, la mobilisation reste pour l'instant très calme. Tout au long de l'action de ce matin, on a vu Roland Sjabere interdire toute casse, au profit de simples démontages. Surtout, à l'heure du repas, tout le monde retourne au village pour partager un déjeuner en commun avant une rencontre entre yopoto. Les opposants préviennent une surveillance, des tournées sur la zone en tension, mais n'ont visiblement pas prévu de s'installer à plein temps sur les hectares en cours de déboisement.
 
« C'est la première fois que les autochtones choisissent l'occupation. La première confrontation directe avec une entreprise, à deux kilomètres du village, qui déboise tous les jours. Pour l'instant le chef Sjabere avance à tatons, mais il va falloir aller plus loin », constate avec lucidité Jean-Philippe Chambrier, présent en tant que secrétaire général du Grand conseil coutumier. Pour l'élu, il est « normal de durcir le mouvement ». S'il espère « qu'il n'y ait pas de violence », l'homme se montre persuadé « si la Ceog ne bouge pas », les villageois seront « obligés de dépasser la ligne rouge ».