Braquages à Javouhey : « On attend une balle dans la tête avant de réagir ?»
FAITS DIVERS

Braquages à Javouhey : « On attend une balle dans la tête avant de réagir ?»

Samuel Zralos & Gaëtan Tringham

Les agriculteurs de Javouhey ont bloqué ce lundi une intersection de route pour réclamer des moyens dans la lutte contre l'insécurité, face à la multiplication des braquages violents dans le village de Mana. L'action doit se poursuivre demain, au moins jusqu'à la visite du sous-préfet des communes de l'intérieur ce mardi à 10h.

 Voitures et camionnettes de part et d'autre de la route, multiples banderoles accrochées aux véhicules : les agriculteurs de Javouhey sont au bord de la crise de nerfs et l'ont fait savoir aujourd'hui à Charvein, l'intersection de la RD9 et de la RD10.

En place depuis 5h et jusqu'à 20h ce soir, les manifestants bloquent la route pour protester contre la hausse de l'insécurité en Guyane en général et dans leur village en particulier. Le phénomène n'est pas nouveau, mais s'aggrave « depuis six mois », explique Albert Siong, l'un des porte-parole du mouvement. « Ce ne sont plus de petits cambriolages, il y a des menaces, des agressions », affirme celui qui est par ailleurs représentant de la chambre de commerce. « En un mois, il y a eu trois braquages sur Javouhey », le dernier vendredi 26 août.

« Ce n'est pas une bande armée, mais des individus armés : c'est moins structuré », précise tout de même le lieutenant-colonel Galaud - commandant de la compagnie de gendarmerie de Saint-Laurent - « ce sont des individus qui ont des armes et qui, à l'opportunité, ont tapé sur des maisons », complète-t-il.
« Ça a traumatisé toute ma famille »

« Vers 22h, j'étais sur la terrasse de chez moi, comme à mon habitude. D'un coup un gars saute et me pointe un fusil dessus. Puis quatre autres sont arrivés, armés d'un pistolet et d'un couteau », raconte Tsay Siong, petit frère d'Albert. « Ils enfermé mon fils de 15 ans, alors j'ai donné l'argent que j'avais, le reste du marché de la veille », continue-t-il, la voix se cassant légèrement. Las, les malfaiteurs lui auraient réclamé plus de sous, puis l'ont poignardé dans le dos et à la jambe avant de lui asséner un coup de crosse sur le crâne. Des blessures qui disparaissent progressivement, contrairement à d'autres, plus insidieuses : « Ça a traumatisé toute ma famille. Mon fils ne veut plus dormir seul et j'ai peur de sortir, même en allant au champ, je ne me se sens plus en sécurité ».

Yves Vang, représentant du village de Rokokoua, du côté d'Iracoubo, venu en soutien raconte sensiblement les mêmes histoires. Son village a choisi de constituer une milice armée, qui « fait des patrouilles la nuit depuis trois mois, de la surveillance, met des caméras partout ». S'il reconnaît que la gendarmerie de Kourou a mis « tous ses moyens » dans la bataille, ceux-ci lui apparaissent insuffisants. Comme son homologue de Javouhey, il réclame une brigade spécialisée, formée à la poursuite en forêt des malfaiteurs.

« Il faut une gendarmerie à Javouhey et des caméras à l'entrée du village. Et que la mairie de Mana mette des lumières partout », reprend Albert Siong, qui exige la venue du préfet ou d'un sous-préfet. Sinon « il se pourrait qu'on bloque aussi le pont Margot et l'entrée de Mana », suggère-t-il dans un demi-sourire.
Une réunion annoncée vendredi 2 septembre

Le sous-préfet de l'Ouest étant en congés, celui des communes de l'intérieur viendra demain à 10h, affirme la responsable de la sécurité à la sous-préfecture, venue « écouter les doléances ». Un groupe Whatsapp d'alerte a pour l'instant été mis en place. Et hier, 22 gendarmes ont procédé à des contrôles routiers à Charvein, à la recherche des braqueurs, « toujours les mêmes, une bande de cinq ou six à chaque fois », d'après les témoins.

Si les gendarmes n'ont pas mis la main sur des individus armés hier soir, ils ont procédé au contrôle de 150 véhicules et verbalisé des automobilistes pour conduite sous stupéfiants, conduite sous alcoolémie et trois personnes pour refus d'obtempérer.

Ces opérations anti-délinquance sont vouées à être renouvelées : « Pour la prochaine, on fera venir des hélicoptères et des chiens », indique même le commandant Galaud. Ce dernier annonce également la mise en place d'un dispositif de surveillance 24h/24h de près de 20 gendarmes « qui vont tenir le terrain » sur toute la route. « Ils ont pour but de surveiller le secteur et essayer de déceler les véhicules qui feraient des repérages. »

• SZ

Arrivé sur le blocage vers 8h45, Albéric Benth, maire de Mana, souligne que ces agressions touchent « l'ensemble de la commune » et se dit d'accord sur le fond des revendications, mais s'oppose à « la forme ». « Les élus locaux ne sont pas responsables, il faudrait bloquer la sous-préfecture ! » L'édile refuse de s'engager sur l'installation de l'éclairage public ou d'une caméra, mais annonce la tenue vendredi 2 septembre d'un conseil local de sécurité pour parler de la situation avec l'ensemble des forces en présence, préfecture comprise.



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