Réforme des retraites: accord parlementaire mais grande incertitude
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Réforme des retraites: accord parlementaire mais grande incertitude

AFP
Manifestation contre la réforme des retraites, le 15 mars 2023, à Nantes
Manifestation contre la réforme des retraites, le 15 mars 2023, à Nantes • LOIC VENANCE

Députés et sénateurs se sont mis d'accord mercredi sur un texte de compromis pour réformer les retraites, à la veille d'un nouvel examen à l'Assemblée nationale aux allures de moment de vérité pour le projet phare et ultra-contesté d'Emmanuel Macron.

Le chef de l'Etat a réuni dans la soirée à l'Elysée la première ministre Elisabeth Borne et plusieurs ministres concernés par cette réforme pour préparer cette dernière séquence parlementaire à hauts risques. 

Le Sénat doit d'abord confirmer son vote positif sur cette réforme jeudi matin, ce qui ne fait guère de doute. Le texte arrivera l'après-midi à l'Assemblée nationale, où le gouvernement est tout sauf certain d'avoir une majorité.

Elisabeth Borne s'est félicitée du compromis trouvé par sénateurs et députés réunis mercredi au sein d'une commission mixte paritaire (CMP). Cela montre qu'il est possible "de bâtir ensemble des solutions pour le pays", a-t-elle dit.

Les sept députés et sept sénateurs - et autant de suppléants - réunis dans cette commission ont confirmé les grands axes de la réforme, en premier lieu le report de 62 à 64 ans de l'âge de départ en retraite, dénoncé par les syndicats et les oppositions de gauche et d'extrême droite.

La cheffe de file des députés La France insoumise Mathilde Panot a dénoncé "un accord qui était déjà ficelé" et "une ambiance lunaire, comme s’il n’y avait pas de mouvement social".

A l'Assemblée, les voix des députés du parti de droite Les Républicains, eux-mêmes divisés, seront cruciales jeudi pour le camp présidentiel qui n'y dispose que d'une majorité relative. Si une majorité absolue n'était pas garantie, l'exécutif pourrait être tenté de dégainer l'article 49.3 de la Constitution qui permet d'adopter un texte sans vote.

Pas de 49.3 "à ce stade"

"Le président de la République est déterminé à ce qu'on puisse aller à un vote comme la Première ministre le souhaite. Il veut s'assurer que les conditions sont bien réunies pour y aller", a expliqué à l'AFP son entourage.

Selon un cadre de la Macronie, "à ce stade, on ne va pas vers un 49.3", mais il n'est pas exclu. Aucune décision n'est attendue avant jeudi, peut-être à la dernière minute.

Au coeur des interrogations, la décision de plusieurs frondeurs de LR, menés par le député Aurélien Pradié qui conditionne son vote positif à l'inscription sans ambiguïté d'une durée maximale de 43 ans de cotisation pour tous les travailleurs.

Un compromis a été trouvé en CMP sur ce sujet crucial des carrières longues. Mais, de l'aveu même du patron des députés LR Olivier Marleix, il y aura toujours certains travailleurs qui devront cotiser "un tout petit peu" plus que 43 ans, et certains élus de droite "ne souhaiteront pas voter" la réforme.

Plusieurs d'entre eux n'ont pas caché leurs états d'âme.

Le député du Territoire de Belfort Ian Boucard, qui estime "entre 15 et 20" le nombre d'opposants au texte chez ses collègues LR, a expliqué après une réunion de son groupe mercredi soir qu'il "continue à voter contre" car il est "contre le report de l'âge de la retraite".

Également "contre", son collègue de la Loire Dino Cinieri a précisé: "il n'y a pas que les 43 ans qui m’ennuient, mais aussi la pénibilité, l'égalité femmes-hommes. (Sur) tout ça, je n'ai pas trouvé de réponse".

"Ne votez pas"

"Jusqu’au dernier moment, il y aura une incertitude", relève ainsi auprès de l'AFP une source gouvernementale.

Mais avoir recours au 49.3 serait perçu comme un geste politique très risqué, susceptible de durcir le mouvement de contestation, ont mis en garde plusieurs leaders syndicaux. Son utilisation expose aussi l'exécutif à une motion de censure.

Sur le front social, pour la huitième journée de mobilisation,  la CGT a dénombré 1,7 million de manifestants en France et le ministère de l'Intérieur 480.000, soit davantage que samedi dernier mais bien moins que le 7 mars. A Paris, le syndicat a dénombré 450.000 manifestants et la police 37.000.

A l'issue de ces manifestations, l'intersyndicale a appelé "solennellement" les parlementaires à voter contre la réforme. 

Cette loi "est déconnectée de la réalité concrète du travail", a appuyé le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger, présent dans le rassemblement parisien. Le gouvernement "essaye de rouler tout le monde", notamment la droite, a dénoncé le leader de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon.

Malgré un essoufflement des manifestations, des grèves reconductibles se poursuivaient, même si on est loin d'une "France à l'arrêt".

A la SNCF, quelque 15% de grévistes étaient recensés à la mi-journée selon une source syndicale, en nette baisse par rapport au 7 mars. Dans la fonction publique d'Etat, on comptait moins de 3% de grévistes, contre près de 25% il y a huit jours.

Quelque 7.000 tonnes d'ordures s'amoncellent à Paris où les éboueurs ont voté la poursuite au moins jusqu'au 20 mars de leur mouvement devenu un symbole de l'impopularité de la réforme. 

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