Orpaillage : la dégradation catastrophique du Maroni
ENVIRONNEMENT

Orpaillage : la dégradation catastrophique du Maroni

Gaëtan TRINGHAM (g.tringham@agmedias.fr)
Le fleuve Maroni est impactée de manière très visuelle par les effets de l'orpaillage illégal. 
Le fleuve Maroni est impactée de manière très visuelle par les effets de l'orpaillage illégal.  • ARNAUD ANSELIN - PAG

L'activité minière est responsable d'une "dégradation catastrophique de la biodiversité" du Maroni. Le niveau de pollution extrême, et son aggravation alarmante, ont poussé le Conseil scientifique du Parc amazonien de Guyane à adopter une motion.

Le Maroni se meurt. De récentes missions scientifiques ont mené au constat d'un "appauvrissement drastique du fleuve, en termes de diversité et de quantité des espèces rencontrées", indique le Parc amazonien de Guyane. Une perte de biodiversité "en lien direct avec les boues charriées par le fleuve conduisant à une pollution sédimentaire d'amont en aval."  

Il n'y a aucun doute pour le parc : "L'origine de ces boues est clairement établie. Elles proviennent des sites d'orpaillage situés de part et d'autre de la frontière, en bordure immédiate du fleuve ou sur les affluents."

Activité d’orpaillage réalisée directement sur la berge surinamaise, en amont de Papaïchton en juillet 2022 • Arnaud ANSELIN - PAG

Au-delà des enjeux environnementaux, cette pollution touche directement les populations de la région : "la ressource en poissons disparait, la qualité sanitaire des eaux est catastrophique."

Le Conseil scientifique du Parc amazonien de Guyane a donc pris acte de ces constatations et adopté une motion visant à alerter les autorités de cette situation. Ils demandent, en urgence, la mise en place d’une coopération technique et politique entre la France et le Suriname pour enrayer la dégradation du Maroni-Lawa.

"Un très fort sentiment d'abandon par les autorités françaises"

C'est cette pollution aiguë, de Antecume Pata jusqu'à l'embouchure, qui explique probablement la baisse significative du nombre d'espèces de poissons observées et du nombre de captures comparé à d'autres fleuves moins impactés.

Graphique extrait de la motion du Conseil Scientifique du Parc amazonien de Guyane illustrant la différence en captures de poissons entre le Maroni et l'Approuague.

Le site des Abattis Cottica, à Papaïchton, est par exemple particulièrement touché. Acoupas, torches, aïmara, pakou : essentiels à l'alimentation des populations du fleuve, "se sont révélées absentes ou rares dans les échantillonnages réalisés", explique Pierre-Yves le Bail, président du conseil scientifique du parc dans la motion. "Ces observations sont, par ailleurs couplées à la raréfaction constatée des oiseaux piscivores le long des berges", ajoute-t-il.

Déversement d’un affluent orpaillé du territoire surinamais dans le Maroni, en aval de Maripasoula en juillet 2022 • Arnaud ANSELIN - PAG

Cette situation conduit à une extrême précarisation des relations qu'ont les communautés locales avec leur environnement aquatique. Certains villages du Haut-Maroni ne peuvent plus boire l'eau directement ou indirectement issue de la rivière. "Cette situation, couplée à d'autres facteurs sociaux, induit dans ces communautés un très fort sentiment d'abandon par les autorités françaises", indique encore la motion. 

Moins de chantiers illégaux mais 3 000 km de rivières déjà détruits

Si le nombre chantiers illégaux sur le parc est passé en aout 2022 sous la barre des 100, "la persistance de l'activité minière illégale au sein de cet espace protégé reste inacceptable et nécessite le maintien voire le renforcement des moyens engagés par l'État pour consolider durablement ces résultats.

La baisse de l'activité a été principalement constatée à Saül et sur l'Oyapock, où les chantiers illégaux sont plus difficiles à réapprovisionner. Le bassin du Maroni bénéficie effectivement d’un approvisionnement facilité à partir du Suriname. Ses affluents concentrent, de fait, 81 % des sites aurifères illégaux comptabilisés sur le territoire du Parc amazonien de Guyane. "3 000 km de rivières rejoignant le Maroni ont, dores et déjà, été totalement et durablement détruits", rapporte Pierre-Yves Le Bail.

Activité d’orpaillage réalisée directement sur la berge surinamaise, en amont de Papaïchton en juillet 2022 • Arnaud ANSELIN - PAG

Enfin, le Conseil scientifique du Parc alerte le gouvernement français sur "l’extrême urgence de traiter cette problématique transfrontalière, qui impacte fortement aujourd’hui l'intégrité sociale et environnementale du territoire français et de ses habitants. Nous appelons à la prise urgente de mesures de conservation de la biodiversité aquatique et terrestre ainsi qu’au respect des droits des communautés locales à un environnement sain. Le Conseil scientifique du Parc considère en effet que la préservation du biome Amazonien est de nature transfrontalière et exige une complémentarité transnationale des cadres de gouvernance et d'action. Une coopération étroite entre la France et le Suriname, couplée à une forte volonté politique conjointe, est la seule réponse possible pour enrayer la dégradation profonde, continue et peut-être irréversible du fleuve Maroni, et par conséquent du territoire Amazonien français."