La Safer sème la discorde chez les soutiens de Gabriel Serville
Agriculture

La Safer sème la discorde chez les soutiens de Gabriel Serville

Gérôme GUITTEAU ; g.guitteau@agmedias.fr
Gabriel Serville a tenu une conférence publique, lundi à 18h30 à Suzini, sur la Safer afin de mettre un terme aux ragots sur sa personne. Il est accompagné du vice-président de la CTG, déléguè à l'agriculture, son fidèle compagnon politique, Roger Aron.
Gabriel Serville a tenu une conférence publique, lundi à 18h30 à Suzini, sur la Safer afin de mettre un terme aux ragots sur sa personne. Il est accompagné du vice-président de la CTG, déléguè à l'agriculture, son fidèle compagnon politique, Roger Aron. • G. GUITTEAU

Le président de la Collectivité territoriale a voulu répondre aux différentes attaques qu'il reçoit sur les réseaux sociaux de la part des soutiens de Christian Epailly président de la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer).

“Pendant qu'on se chamaille, Paris rigole”, tance Gabriel Serville dés le début de la conférence publique, lundi à 18h30 dans la salle de l'Assemblée plénière, à Suzini, sur la situation de la Société d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) de Guyane.
Le président de la Collectivité territoriale (CTG) en a assez d'être la cible des soutiens de Christian Epailly, le président de cette nouvelle institution réclamée depuis trente ans pour lutter entre autres contre la spéculation des terres agricoles et obtenue après le mouvement social de 2017.
Problème : la Safer créée le 10 mai 2021 n'est toujours pas active juridiquement parlant. Il y a bien des employés qui travaillent à établir une carte des 20 000 hectares que l’État lui met à disposition pour son autofinancement mais les ministères des finances et celui de l'agriculture ne lui ont toujours pas donné deux agréments. Sans cette procédure, la Safer n'est qu'une coquille vide.
Le premier agrément nécessite la réunion du Comité d'orientation stratégique et de développement agricole (Cosda), présidé par l’État et la CTG. Il doit donner un avis qui sera pris en compte par Paris. Ce Cosda n'a toujours pas été saisi.
Nous sommes venus vous voir juste pour que vous mettiez la pression à l'Etat pour réunir le Cosda puisque vous le co-présidé. C'était notre seule demande”, rappelle Christian Epailly.
Christian Epailly a répondu aux éléments apportés par Gabriel Serville qui montrent son soutien envers la Safer et son président. La limite d'âge établie à 70 ans pour occuper le poste doit le rattraper le 7 novembre prochain. Son adversaire lors de l'élection, Chantal Berthelot a 64 ans. • G. Guitteau

L'équipe de Gabriel Serville est proche de Chantal Berthelot, ancienne députée, membre du Groupement des agriculteurs de Guyane (Grage), le syndicat opposé à la Fédération Départementale des Syndicats d'Exploitants Agricole (FDSEA), présidée pendant des années par... Christian Epailly. Ce dernier a obtenu la présidence de la Safer contre Chantal Berthelot. Donc tout bâton dans les roues de la Safer, porte le sceau de la suspicion auprès de la CTG.
Les 100 000 euros de la Gip Safer manquent à l'appel
Par exemple, la CTG a refusé de donner les 250 000 euros à la Safer car il doit participer à hauteur de 50% du budget avec l’État. Celui-ci refuse de donner des sous qu'il a déjà donné à la GIP Safer, une institution provisoire qui préparait l'arrivée de la Safer. Une partie de l'argent doit revenir automatiquement à la Safer, près de 100 000 euros. Albert Siong, président de la chambre d'agriculture et de cette instance ad hoc n'a toujours pas fait ce qu'il faut pour rendre cet argent de son propre aveu, il y a... six mois. Depuis l'argent n'est toujours pas sur le compte de la Safer qui vit donc en prenant l'argent de son capital, établi à 500 000 euros. Mais la CTG refuse de donner plus que l'Etat au nom du respect des Accords de Guyane.
Un autre extrait d'un autre courrier de Gabriel Serville qui rappelle le besoin urgent d'une Safer en Guyane. • G. Guitteau

Il faut arrêter avec les thèses complotistes. Je n'ai fait de coups tordus à personne. Je ne suis pas dans le secret de l'État. Quand vous êtes député vous participez à la notation du préfet. Quand vous êtes l'exécutif, vous êtes soumis au contrôle de légalité... du préfet. Le rôle n'est pas le même. La démocratie est un rapport de force permanent. Et quand ma parole est mise en doute en Guyane, par des ragots et la déformation des faits, Paris me regarde comme un imbécile qui sort des jupons de sa maman”, s'emporte Gabriel Serville.
Pour la CTG, c'est à la préfecture de saisir la chambre d'agriculture pour organiser la Cosda.
“Ce n'est pas parce qu'ils m'ont élu, qu'ils vont pouvoir dire des choses sur moi sans conséquences.
Par ailleurs, Gabriel Serville se défend de ne pas avoir appuyer l'obtention des agréments nécessaire à la Safer. Capture d'écran, courriers au préfet à l'appui, “Ce n'est pas parce qu'ils m'ont élu, qu'ils vont pouvoir dire des choses sur moi sans conséquences. Ce n'est pas un jeu”, énonce l'ancien opposant à Emmanuel Macron, au Palais Bourbon.
Tous les regards se tournent alors vers la délégation importante de Trop'Violans.
Yvane Goua prend la parole : “On vous a élu mais nous ne vous avons pas donné une carte blanche”, prévient, l'ancienne candidate à la députation.
Les soutiens de Christian Epailly dénonce le fait que Gabriel Serville ait émis l'idée de prendre soi-même la présidence de la Safer, alors que “seul un professionnel de l'agriculture peut prendre ce poste,” rappelle Yvane Goua.

C'était dans le cadre d'une discussion privée, à bâtons rompus. Je disais juste au président que si c'était sa seule personne qui bloquait les avancées de la Safer, je pouvais en prendre la présidence par ce que l’État aurait du mal à me dire inapte à cette fonction. Je voulais débloquer la situation et je gardais comme employé de la structure Christian Epailly. J'ai assez de travail et de responsabilités à la tête de la CTG et de mes autres présidences. Je ne cherche ni la gloire ni l'argent. En étant élu à la CTG, je gagne bien moins que lors de mes mandats de parlementaires, mais je suis là pour rendre à la Guyane tout ce qu'elle m'a donné”, se défend l'ancien principal de collège.
En effet, une dette auprès de la Caisse générale de sécurité sociale, empêchée l'obtention de l'agrément du président actuel de la Safer. Entre 6 000 euros et 8 000 euros de cotisations non versées. Christian Epailly avait mis en scène son arrivée, chèque en main à la CGSS quand il était venu régler sa dette.
Un extrait d'un courrier écrit par Gabriel Serville démontre selon le président de la CTG son soutien à l'obtention le plus rapidement possible des agréments de la Safer. il a été diffusé lors de la conférence publique, de lundi soir. • G. Guitteau

La conférence publique a du mal à dépasser les batailles d'égo et le règlement de compte à OK Coral. La réunion subit un premier soubresaut quand Paul Tarcy, proche de Rodolphe Alexandre éructe du fond de la salle : “ Tu as couillonné les Guyanais. Tu as promis que tu ferais plier la préfecture si tu étais élu. Tu devais faire partir le préfet dès le lendemain, finalement tu vas dans le sens de la préfecture et tu dis “S'il vous plaît et merci. Il ne faut pas mentir.”

La présidente de l'association foncière la Savane, qui demande des titres de propriété sur des terres exploitées depuis trente ans, franchit un pas qui met fin à la réunion. “Vous faites le chien couchant alors que vous avez la population derrière vous pour faire plier l’État. Vous avez peur de l’État”, s'insurge Annie Coëta.
Le président refuse les insultes et demande au directeur de la Safer et à son directeur de cabinet de continuer le travail engagé pour faire avancer la Safer et donc obtenir les agréments. Une convention a été discutée, il y a huit jours entre Gabriel Serville et le président de la Safer.
Depuis plus rien”, regrette Christian Epailly. “Cela fait huit jours, elle est toujours sur le bureau. Il faut qu'on vérifie des points juridiques et que les services s'en emparent. Ce n'est pas honnête de votre part de faire croire qu'on fait rien.”, reproche Gabriel Serville à l'agriculteur.

On n'en saura donc pas plus sur comment la Safer compte s'autofinancer, base de cette institution alors qu'elle ne dispose que de 20 000 hectares. On n'en saura pas plus sur l'inventaire des terres que l’État devra céder à la Safer après des études et des négociations entre les deux parties.
Pendant ce temps, le représentant de la préfecture refuse des dossiers de cessation de foncier à des agriculteurs à cause d'un âge avancé (55 ans) ou du manque d'expérience d'un jeune, tout juste sorti du lycée agricole de Matiti. Et les terres agricoles à Montsinéry, ou Macouria continuent de se vendre à prix d'or : dix parcelles pour un peu moins d’un hectare (0,99 ha) en 2016 ont été vendues pour 2 millions d’euros à Macouria selon un rapport de l'Audeg (à lire ici).

 
L'agriculture en chiffres
79 800 hectares (ha) de surfaces agricoles utiles (SAU) en 2019. La majorité des terres ne servent pas à l’agriculture.
46 000 hectares ne sont ni cultivés, ni utilisés à des fins de productions agricoles.
0,4% du territoire est pratiqué par des agriculteurs contre 42,2 % en France hexagonale.
En dix ans, l’agriculture guyanaise a augmenté son nombre de travailleurs de 83% pour atteindre les 20 564 actifs et 6 450 exploitations agricoles.