COTISATIONS : Les employeurs doivent 330 millions à la sécurité sociale

COTISATIONS : Les employeurs doivent 330 millions à la sécurité sociale

Sébastien ROSELÉ

Les employeurs guyanais, tous secteurs confondus, n'ont pas payé, rien que sur l'année écoulée, 78 millions d'euros. Explications.

Les cotisations sociales, c'est quoi ? Le terme regroupe l'argent que doivent verser les entreprises à la sécurité sociale pour les retraites, l'assurance maladie, l'assurance veuvage, la cotisation sociale généralisée (CSG) et la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS).
Ces cotisations, dont une partie est directement prélevée sur la paie des salariés sont, en principe, reversées à la Sécu.
Le poids de la dette. En cumulé, les employeurs guyanais doivent à la Sécu 330 millions d'euros. Rien que l'année dernière, ce sont 78 millions qui n'ont pas été versés. Ce qui représente un taux de reste à percevoir qui s'élève à un peu plus de 18,63% là où il n'est que de 2% dans l'Hexagone.
La dette guyanaise à la loupe. Sur les 78 millions d'euros qui n'ont pas été versés l'an dernier, 37 millions étaient imputables au secteur privé, 31,5 millions aux employeurs et travailleurs indépendants et 8,5 millions pour le secteur public.
Si on part de la dette cumulée (330 millions), 150 millions étaient dus par le secteur privé, 152 millions par les travailleurs indépendants et les 28 millions restants n'avaient pas été réglés par le secteur public, autrement dit par les collectivités territoriales.
Les hôpitaux guyanais. Contrairement à la Guadeloupe, par exemple, les hôpitaux guyanais paient toutes leurs cotisations. « Ils jouent le jeu » , confirme Philippe Dumont-Dayot.
Les autres départements d'outremer. Si les employeurs de Guyane paient moins les cotisations qu'en France, il faut regarder ce qui se fait dans les autres départements ultramarins.
Au 30 septembre, la Martinique, la Guadeloupe, la Réunion et notre département devaient à la Sécu trois milliards d'euros. La Guadeloupe arrive en tête du tableau avec près d'un milliard à payer.
Arrive ensuite la Martinique avec 850 millions puis la Réunion avec 820 millions. La Guyane est donc très loin derrière. Mais le département est aussi moins peuplé.
L'argent va-t-il être récupéré ? Les employeurs devront payer. Le ministre des Outre-mer Victorin Lurel l'a dit chez nos confrères de France-Antilles Guadeloupe : ? » Les stratégies d'évitement qui consistent à ne pas régler ses charges en anticipant des moratoires ou des annulations globales ont fait leur temps. Je peux le dire, ça ne va pas se passer comme ça. »
Un expert de la question ajoute que le ministre est très préoccupé par cette dette. « Au regard des mesures d'exonérations dont bénéficient les Outre-mer, les habitants de l'Hexagone auraient du mal à comprendre cet endettement. »
Les sanctions. Ne pas payer la part qui est prélevée sur la paie des salariés est une infraction pénale qui relève du tribunal de police. On s'en sort avec une amende mais pas de prison. Ne pas payer la partie patronale des cotisations ne constitue pas une infraction. Mais on peut être assigné devant le tribunal de commerce qui peut aller jusqu'à prononcer la liquidation judiciaire et interdire à l'entrepreneur toute gestion de société.
Moralité. Selon la Sécu guyanaise, 59% des entreprises du secteur privé, soit 3 488 sociétés sur 5 937, étaient à jour de leurs cotisations sociales, fin 2012.
Sur la totalité des 17 142 cotisants toutes catégories confondues, 55% avaient réglé leur dû, soit 9 365 employeurs. « Il y a un pourcentage important d'entreprises en Guyane qui sont vertueuses et qui paient, commente le directeur de la Sécu guyanaise. Mais ces entreprises pourraient être tentées d'imiter celles qui ne paient pas si la situation perdure. »
- Une dette de 17 millions : le cas de Saint-Laurent
La ville de Saint-Laurent accuse une dette de 3,5 millions d'euros rien que pour 2012 et un total de 17 millions en cumulé.
« En Guyane, la majorité des communes est en difficulté mais pour des montants moins élevés, explique Philippe Dumont-Dayot, directeur de la CGSS (caisse générale de la sécurité sociale). Cette situation est assez courante dans les Dom. » Au sujet de la dette gigantesque de Saint-Laurent, le patron de la Sécu explique que la commune « connaît une telle croissance démographique et un tel besoin d'infrastructures que la municipalité est obligée de faire des arbitrages très difficiles entre l'investissement et le fonctionnement alors que la dotation globale de fonctionnement (DGF, l'argent versé aux villes par l'État) ne prend pas en compte la population actualisée de la dernière année. » Et le directeur de la Sécu, qui ne veut surtout pas blâmer les communes, de conclure : « En dépit de ce montant, les collectivités occupent une part inférieure à 10% du total des dettes. »
De son côté le maire, Léon Bertrand annonce que ce dossier va être jugé au tribunal jeudi prochain. Ce qui le satisfait car cela permettra, explique-t-il, que le public prenne connaissance des difficultés auxquelles sa commune est confrontée. « Si on n'arrive pas à payer, c'est que la dotation est sous-évaluée (celle délivrée par l'État). En une année, nous avons au moins 2 500 naissances. Même si tous les enfants ne restent pas à Saint-Laurent, cela fait malgré tout 6 000 personnes en plus en trois ans. Sans compter le flux migratoire. »
Le maire a fait ses comptes. La dotation globale, qui est fonction du nombre d'habitants et qui n'est pas réévaluée tous les ans, « ne prend pas en compte entre 8 000 et 10 000 personnes » . Le précédent gouvernement devait mettre en place de nouvelles mesures, continue l'élu UMP, « qui ne seront pas applicables avant 2017 » .
S.R.

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