Musique : Régine Lapassion, sa face B

Musique : Régine Lapassion, sa face B

Christelle Auguste — photos Kathryn Vulpillat - DR

Le public l’a vue sur de nombreuses scènes en cinq ans, souvent intimistes et, plus grand public cette année. Régine Lapassion, a plusieurs cordes à son arc : pianiste, coach vocal, chef de chœurs et chanteuse très sollicitée. Rencontre avec un coach du Voie de talent de l’Ouest. Elle raconte s'être mise à enseigner le chant grâce à Christophe Willem, lauréat de la saison 5 de « La nouvelle Star », son premier élève.

Elle dégage. Une énergie physique, d’abord, quand elle se meut mais aussi quand elle évoque ses convictions de mère « qui tient à bien élever ses enfants de 7 et 3 ans et demi », sans la télé à la maison où on préfère télécharger de vieux dessins animés comme « Tom Sawyer » et « Jo l’Indien ». Évoque sa foi protestante qu’elle a « appris à vivre dans le respect d’autrui car, Dieu nous a aussi faits libres de vivre sans lui », ses erreurs des débuts au chant. Elles lui ont valu de se faire opérer des cordes vocales, l'obligeant à apprendre à murmurer.
Elle « assume » d’où elle vient. « Un de mes profs de Capes m’a dit un jour que les meilleurs enseignants étaient ceux qui avaient eu 10 sur 20 car ils étaient à même de comprendre l’élève moyen. » Modeste, Régine Lapassion dégage surtout, quand elle chante sur scène avec puissance. Elle est sans doute l’une des interprètes du moment en Guyane qui a le plus de coffre et qui inspire des carrières ou des vocations à tout âge.
Le grand public guyanais l’a vraiment découverte récemment avec des scènes populaires comme la cérémonie des Lindor au Zéphyr, le Ladies Jazz à l’initiative de l’OCRG pour la journée internationale de la femme, et via l’IFDM, l’école de musique qu’elle dirige depuis quatre ans avec Denis Lapassion son époux. Les deux musiciens sont pourtant bien connus d’un certain public averti depuis leur retour en 2008 sur les scènes nocturnes intimistes au credo jazz créole et gospel, notamment, mais aussi pour avoir accompagné d’autres artistes. Régine Lapassion sait transmettre l’émotion à la voix, sans doute grâce à son extraversion naturelle. « Quand je suis sur scène, je suis moi-même » exprime-t-elle. « Je fais tout le temps la fofolle et je rigole de tout, même des choses très sérieuses. »
Elle renonce à étudier la médecine dentaire
Au départ, Régine Lapassion voulait être dentiste. Son prof de piano l’a convaincue de s’inscrire en musicologie, pour sa bonne technique et sa vitesse d’apprentissage, de bons atouts qui ne font pas de vous des virtuoses destinés à la scène. Il faut se former et en vouloir pour se faire sa place, apprendra-t-elle rapidement ensuite. « Je le dis toujours à mes élèves : Méfiez-vous quand on vous dit que vous chantez bien, où vous l’a-t-on dit ? » Si ce chef de chœur expérimenté qui a dirigé des chorales à Paris de 70 à 100 personnes, licencié de musique à la Sorbonne, chanteuse et pianiste confirmée avait plus de temps, elle confie qu’elle aimerait bien continuer « le théâtre qu’elle a abordé très jeune à l’église puis au chant lyrique en études de musicologie » et, en Guyane il y a deux ans sur la pièce de Chamoiseau « Les 18 paroles d’Afoukal » et « Pigments » dans le cadre de l'année Damas. Les concerts et les Master Class, aussi.
Voilà ce qu'elle ferait, si elle avait plus de temps, en dehors de l’IFDM et des cours qu’elle y dispense au piano et au chant, du coaching de la jeune prodigieuse Tony Edwige, révélée au grand public sur la scène du Kayenn Jazz Festival. Plus de temps, il lui en faudrait surtout pour le travail personnel de sa musique, au piano classique auquel elle a ajouté depuis peu celui de la basse « ce son qu’(elle) aime beaucoup ». « J’ai toujours voulu jouer de plusieurs instruments ». Mais quand on fait son job de maman à plein-temps, l’éducation, les activités extrascolaires des enfants, etc., difficile de trouver les deux à trois heures par jour minimum nécessaires à l’entretenir. On prend les « 10 minutes qu’on a à tuer ».
Aujourd’hui qu’elle atteint une vitesse de croisière, Régine Lapassion est fermement résolue à se consacrer enfin à cet album annoncé déjà en 2008. Sur des textes inspirés de ses années gospel et une musique de sa composition aux sonorités inattendues reggae, notamment, elle entend laisser exprimer ce qu'elle appelle sa face B. Cette partie d’elle-même qu’on ne voit pas. L’amatrice de reggae, de salsa, de disco des années quatre-vingt, de compas et de gospel, par exemple. Le gospel reste « son compas spirituel qui agit dans ses tripes ». « Il n’y en a pas vraiment sur les compositions de mon album », confie-t-elle néanmoins.
Cette voix incroyable à l'interprétation des chanteuses renommées les plus talentueuses n’est pas prête « à faire du politiquement correct juste pour vendre sa musique ». « J’ai toujours été marginale, je suis adventiste du 7e jour. À l’église, je ne l’étais pas assez, pour les gens de l’extérieur, je l’étais trop. Le meilleur moyen de témoigner que Dieu existe, c’est d’être moi-même et de vivre ce message-là ». De ses influences musicales, la Lamentinoise qui a grandi à Fort-de-France et appris le piano à 7 ans, évoque Michel Berger, France Gall, Balavoine, au titre de la chanson française. Al Jarreau est son préféré au registre jazz et soul. « C’est Denis qui m’a appris à aimer le jazz. Je trouvais que ça partait dans tous les sens, même si j’ai grandi dans ma culture martiniquaise avec Ray Charles » dont elle fera la première partie en tournée à Paris en 2000. Le blues aussi, elle a appris à l'aimer en écoutant du gospel traditionnel. « J’aime Nat King Cole, George Benson et Roberta Flack. »

Sur cet album à elle, elle entend aussi travailler avec des musiciens de Guyane dont elle apprécie le travail et exprimer une certaine reconnaissance envers d’autres. En attendant de retravailler encore quelques textes de cet album, Régine Lapassion sera mobilisée de nombreux mois sur le projet musical Voie de talent dans l’Ouest en tant que jury des sélections des candidats et coach vocal.

« On dit souvent qu’il ne se passe rien dans le péyi. Sur ce projet, qui n’est pas de ces concours où on chante, est coaché et plongé directement dans le show-business, il y a un vrai cursus professionnel de formation avec des heures de cours, du management, c’est du lourd ! Même si, le lauréat remporte un CD, il aura appris réellement beaucoup de choses sur un métier. J’ai des élèves qui chantent professionnellement dans des groupes de carnaval notamment, d’autres qui veulent faire ce métier, comme Beyoncé. On ne peut pas les en empêcher mais il faut les briefer. » Les concours musicaux, les téléréalités, elle n’est vraiment pas accro, pas même à « The Voice » sur TF1. Elle regarde « Madame est servie » et des péplums qu'elle télécharge sur le net.
 
 
Une voix de l’ombre au cinéma et à la télé

Dans l’ombre, Régine Lapassion a également expérimenté l’univers musical du cinéma et de la télé. Sur « Le Roi Lion », elle est intervenue à plusieurs niveaux.
Au micro, notamment, en tant que chanteuse, lors de la présentation de la version française de la comédie de 2007 au théâtre Mogador. En amont et en coulisses, sur le casting des personnages de Shenzi, la femelle hyène et de Rafiki, le vieux singe, qu’elle finira par doubler aux voix.
Toujours dans l’ombre, cette fois du concours musical télévisé « La Nouvelle Star » diffusé par M6 à l’époque (sur D8 depuis 2012), Régine Lapassion a collaboré comme coach vocal entre 2007 et 2008, pour la préparation des candidats de la saison 5, jusqu’aux primes télévisés.
« Je passais la porte de la maternité, quand Christophe m’a appelé. Il m’a dit : « Ils vont t’appeler, je sais que tu n’aimes pas mais dit oui. On va se voir. » En effet, elle n’aime pas « les émissions en rond », comme elles les appellent, où la tendance est au voyeurisme et où l'on prétend fabriquer des stars.
Il s’agit de Christophe Willem (en photo), vainqueur de la saison 4 du télécrochet où concourrait également en demi-finale la Martiniquaise Miss Dominique, « une copine de gospel » de Régine Lapassion. C'était un travail « très prenant », témoigne la chanteuse qui a consisté sur trois mois à coacher les candidats pour les duos et trios des primes, exclusivement, et à réaliser quelques arrangements vocaux en collaboration avec le programmateur et le chorégraphe en vue des primes. Soumise à une clause de réserve pendant cinq ans, elle peut aujourd’hui en parler.
« Je recevais les morceaux, je faisais travailler les candidats à l’hôtel. Le mardi, on répétait au pavillon Baltard (salle de spectacle de Nogent-sur-Marne) toute la journée. Le mercredi M6 venait avec les caméras à 15 heures, on répétait toute l’émission en temps réel. Le jeudi, c’était prise de tonalités des candidats, le matin, pour les solos avec les autres coachs, ensuite avec le pianiste et moi pour les duos et trios.
Il arrivait que le mardi, on soit obligé de changer parce que les candidats n’avaient pas révisé, alors on chantait à l’unisson, ou qu’ils n’aient pas le niveau, je simplifiais pour la scène. Et ainsi de suite, jeudi, dimanche, mardi, mercredi, jusqu’à la finale. J’avais l’impression qu’on dormait ensemble. » Ce que retient surtout Régine Lapassion de cette expérience, « c’est le professionnalisme et l’absence de susceptibilité mal placée sur cette « émission qui met la voix à rude épreuve pour les candidats piqués à la cortisone. »
Christophe Willem, son premier élève

La rencontre avec Christophe Willem qu’elle a connu sous son vrai nom, Christophe Durier, s’est faite autour du gospel en région parisienne.« Je faisais des Masters Class de gospel. Christophe a été mon premier élève de chant. Il chantait déjà depuis trois ans, quand il m’a sollicitée. Pas question ! « Je lui ai répondu : « Je donne des cours de piano, pas de chant. » C’est alors qu’il me dit : « Apprenez-moi ce que vous savez ! Pendant cinq ans, on a travaillé ensemble et développé des rapports amicaux, partagé nos actualités. »
Quand Christophe l’appelle ensuite pour luire dire que sa sœur l’a inscrit au casting de « La nouvelle star », Régine lui répond avec le parler vrai qu’on lui connaît dans son entourage : « T’as vu la tête que t’as, il faut te relooker. Bon, ce ne sont pas les gagnants qui font carrière mais vas-y ! » J’étais sûr qu’il allait signer quelque part. Et j’ai commencé à regarder ».
 
 

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