«Si a pa té on ben an pwan jòdi jou an dwèt
té ja mò! » En lançant avec la plus grande solennité ces quelques
mots, Léon, un homme qui frise les 70 ans se retourne pour montrer
les quelques traces qui lui restent sur le dos. Ce sont pour lui
des « témwen » Témoins, dit-il, des huit mois, allongé à l'hôpital,
sans bouger. « Tout dòktè vini vwè mwen, yo di kè an ké mò. Yo lésé
mwen sòti, é sé on gadèdzafè Gozyé ki mèt mwen doubout. Yo té fè
mwen sòsyé, men an pli fò ki yo ». Comme Léon, nombreux sont ceux
qui croient aux pouvoirs magiques des gadèdzafè.
L'alternance médecine légale et sciences
occultes n'a pas l'air de troubler non plus cette mère de famille,
qui explique que l'important est d'y croire. « Mon fils était
asthmatique. Un soir, je l'ai presque vu mourir dans mes bras;
alors que peu de temps avant j'avais vu avec lui un spécialiste.
J'ai tenté le tout pour le tout et je suis allé consulter... », dit
pudiquement la dame, en baissant la voix. « C'est lui qui nous a
donné une faveur. Depuis, l'enfant ne fait plus de crise, car à la
naissance, il n'était pas comme ça. La maladie est venue à la suite
des problèmes que j'ai eus avec une voisine. » Comme pour appuyer
ses dires, elle cite d'autres mauvais sorts qui lui avaient été
jetés par cette même « ennemie ».
Lili, une restauratrice très connue des
Abymes a passé trente-cinq années dans le sud de la France. Ce long
séjour à l'extérieur ne l'a pas pour autant éloignée de ses
croyances primaires. « Oui, je crois fermement que la sorcellerie
existe. J'en ai été une victime à cause de la jalousie d'un proche
qui ne voulait pas, quand j'étais jeune, que je me marie. Cette
personne avait promis de me jeter un mauvais sort. Elle est passée
à l'action. J'ai fait sept fausses...