41 victimes des « banquiers » miraculeux
JUSTICE

41 victimes des « banquiers » miraculeux

R.L.

Marcus N. et Sylvain M., 48 et 43 ans, ont écumé toute la Martinique entre 2007 et fin 2012, en demandant parfois jusqu'à 40 000 euros de caution bancaire, afin de débloquer des fonds venus d'Afrique. Argent qui n'est, bien sûr, jamais arrivé...

A la barre du tribunal, la liste des victimes est longue. Le président fait l'appel : sur les 41 recensées, environ une quinzaine est présente. Toutes demandent le remboursement des sommes versées et jamais recouvrées. Le premier à avoir déposé plainte a donné plus de 40 000 euros, en plusieurs fois. Les deux hommes qui lui avaient donné rendez-vous dans un parking de fast-food lui en faisaient miroiter 400 000.
Mais l'argent n'est jamais arrivé. Jugés hier pour escroquerie, Marcus N. et Sylvain M., 48 et 43 ans, ont écumé la Martinique, entre janvier 2007 et fin décembre 2012. Les juges évoquent une « arnaque d'envergure » : « Vous vous adressiez à des personnes en situation de détresse financière puisqu'elles étaient obligées d'avoir recours à des choses pas très honnêtes » .
Prévenus, les deux hommes se présentent, au contraire, comme des victimes à la barre. « Ils ont été confrontés à ce qu'on appelle la fraude nigériane » , clame l'avocate du premier. Sans emploi à l'époque, le mis en cause explique, qu'à la suite de contacts au Ghana, il devait percevoir deux prêts : 27 millions d'euros de la City Bank et 5,7 millions de dollars US. Le président du tribunal s'interroge : « Quelle banque allait prêter autant d'argent à deux Martiniquais qui n'ont pas d'activité professionnelle ? » . Marcus N. reste assez vague. Il évoque des projets d'import-export et dans l'immobilier. « Aucun document ne confirme cela » , oppose le magistrat. Et d'ajouter : « Si vous aviez ces projets, pourquoi alors avoir fait le banquier et prêté de l'argent que vous n'aviez pas ? » . Les explications du prévenu résistent difficilement à la réalité des faits.
Avec Sylvain M., à qui il a demandé de rédiger de faux contrats, les deux hommes, suite à une annonce passée dans la presse, ont multiplié les contacts. À domicile, sur des parkings de commerces, dans la rue... Tout était bon pour promettre de recevoir jusqu'à 550% de l'argent versé initialement. Mais, pour cela, leurs « clients » devaient verser une caution proportionnelle au prêt espéré. « C'était pour payer des taxes et débloquer les démarches administratives » , clame Marcus N.
NOMBREUX VIREMENTS À L'ÉTRANGER
Pour rassurer certains de ses interlocuteurs, il présentait un relevé de compte d'une banque espagnole, avec 2 millions d'euros de provision. « Un faux » , souligne le président du tribunal. Le principal instigateur de ce système soutient n'avoir pas eu le choix. « C'est vrai que ce n'était pas normal de demander de l'argent avant d'en donner. J'ai manqué de lucidité mais je subissais des menaces et des pressions de l'extérieur » . Sous-entendu du Ghana, où il aurait été amené à se déplacer à deux reprises, pour obtenir ces 32 millions d'euros de prêts.
S'il n'a jamais rien reçu, l'argent récolté auprès de ses victimes a, en revanche, été viré sur de nombreux comptes à l'étranger : Espagne, Ghana, Suisse, Bénin, Togo, États-Unis, Antigua, Canada... Marcus N. aurait ainsi envoyé près de 526 000 euros par mandats Western Union. Son complice présumé a transféré 91 500 euros et donné 329 000 en caution à Marcus N. Le fruit de toutes (ses) économies, selon lui. La substitut du procureur, égrenant les « faux contrats et faux documents » dans le dossier, requiert 3 ans de prison et un maintien en détention pour Marcus N. et 2 ans, dont un avec sursis à l'encontre de Sylvain N.
« Ils ont été trompés et ont trompé » , plaide Me Max Bellemare, avocat du second. « Ils avaient des documents en main, ils ne pouvaient pas savoir qu'ils étaient faux » . Il demande la relaxe de son client.
Le tribunal prononce une peine de 18 mois de prison pour Marcus N., sans maintien en détention et 1 an avec sursis pour Sylvain N. Ils devront rembourser leurs victimes.
Compte-rendu d'audience R. L.

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