“Les débats qui effacent la lutte des classes sont des raccourcis historiques, politiques et idéologiques.”

Amzat Boukari-Yabara est un docteur en histoire bénino-martiniquais. Ses travaux sont reconnus autant dans le monde de la recherche que chez les militants des causes postcoloniales et panafricaines. Il est en Guyane jusqu'à samedi dans le cadre du festival les Révoltés du monde. On peut le rencontrer à l'Eldorado dès 16 heures, maintenant, pour un débat qui suivra les diffusions de deux films : un sur Thomas Sankara et un autre sur Marcus Garvey.
En 2005-2006, ses archives ont été données à l'université Robert Woodruff d'Atlanta. J'ai pu m'y plonger dans le cadre d'un master puis de ma thèse.
J'ai été l'un des tout premiers chercheurs à travailler sur ses archives. J'ai rencontré sa veuve et ses enfants. Je suis allé au Guyana et en Tanzanie où il a été professeur d'université. J'ai lié son parcours intellectuel aux grands enjeux géopolitiques et culturels de son temps.
En plus, il est le seul historien avec une certaine dimension, produit par le plateau des Guyanes. Cela renvoie à l'idée que c'est une région considérée comme un angle mort de l'histoire.

C'est à dire qu'on a le sentiment d'être sur un plateau sans histoire, sans historien, sans analyse des luttes de classe, sans analyse des luttes sociales .
Au Guyana, les archives portent son nom. Elles sont dans un état catastrophique. Il est assez méconnu là-bas. Il ne bénéficie pas de la même ampleur qu'un Aimé Césaire en Martinique par exemple.
C'était le siège de luttes de libérations lusophone et d'Afrique australe. Il avait compris qu'il y avait un lien entre la conception de l'organisation des sociétés et le modèle économique et politique mis en place dans ces mêmes sociétés. C'est de cette équation que résulte, effectivement,les formes de ce que l'on prend, par raccourci, sous le nom d'autonomie.
De manière générale les débats sur l'autonomie, ont tendance à effacer la lutte des classes. Ce sont des raccourcis historiques, politiques et idéologiques dans une époque où on veut aller vite, où on ne veut pas rentrer dans la complexité.
Walter Rodney avait le temps d'analyser le “temps long” dans la lignée d'un Fernand Braudel ou d'un Immanuel Wallerstein. Il pouvait étudier des systèmes mondes. Dans les années 70, c'était possible.
Dans le cas de Kémi Séba, c'est dans le titre de l'ONG, c'est une urgence. Il s'agit de questions urgentes guidées par l'agenda médiatique dans un monde où les médias et les réseaux sociaux disent ce qui est urgent et ce qui peut attendre.
On veut aller vite, sur des actions rapides, des déclarations qui suffisent à être performatifs, à poser l'acte ou le résultat. On est dans des rapports de force surtout, dans des terrains occupés avec l'idée que si on ne l'occupe pas d'autres le récupéreront ou noieront cette problématique.
L'activisme est différent de l'intellectualisme. Les questions qui se posent toujours sont : Quelles sont les méthodes qu'on privilégie, quels sont les objectifs qu'on souhaite atteindre et sont-ils atteints. L'un des objectifs consiste à mobiliser, à éveiller les consciences, à soulever les points qui fâchent. Et si on doit fâcher ben, fâchons, c'est le système qui veut ça.
Il existe aussi d'autres mouvements qui sont plus dans l'occupation du terrain, dans la confrontation de la “défense de la veuve et de l'orphelin” qui peut être mal comprise mais c'est aussi une posture nécessaire pour faire avancer les choses.
Par ailleurs, je voulais sortir la Françafrique du scandale pour montrer qu'il s'agit d'un système avec une histoire. On peut l'étudier à l'université. Ce n'est pas la lubie de jeunes gauchistes militants.
Le refus de comprendre ce système, comme aussi celui du panafricanisme, constitue une des raisons qui font que la France ne comprend pas ce qui se passe en Afrique. Les stratèges du quai d'Orsay [ministère des affaires étrangères] estiment que ces concepts sont des enfantillages ou le fruit d'enfants gâtés.
Ce sont des figures que je souhaite remettre en avant. Je voulais écrire une histoire intellectuelle de la Caraïbe en partant de ces personnages importants. Il ya une réelle densité dans cet espace qui constitue une mini mondialisation.
Ma vision politique du panafricanisme est indissociable de celle d’un internationalisme noir devant amener les peuples de toute l’Afrique à contribuer, où qu’ils soient, à transformer leurs conditions humaines et socioéconomiques.
L’historien Walter Rodney a défini avec précision le lien entre le panafricanisme et l’internationalisme.
Verbatim du site : https://amzatboukariyabara.com/engagement-politique/panafricanisme/
Vos commentaires
il a raison quand il dit que la france prend les neg pour des "enfants"... soi disant on est trop "c.n" pour geré nous memes donc la france garde les dom (alias colonies) pour notre "bien"...
quand a francafrique, il a raison aussi. tout les presidents francais ont "corompu" les presidents afriquains et apres ils vont dire que les afriquains sont pas capable de se geré eux memes sans "corruption".
@benkwa : vous répondez en faisant état de votre suffisance qui vous amène à mépriser ceux qui ne comprennent pas vos propos. Vous vous estimez tellement supérieur, issu d'une aristocratie autoproclamee, loin de la réalité de vos semblables. Grand bien vous fasse !
"Ma vision politique du panafricanisme est indissociable de celle d’un internationalisme noir"
C'est un glissement vers le supremascisme raciale ça.
Ce rapport constamment entretenu entre la couleur de peau et le panafricanisme est clairement raciste, en plus d'etre faux. C'est là une sorte d'exploitation douteuse de ce que ces personnes dénoncent pourtant, dans une posture victimiste quasi obsessionnelle.
panafricanisme sa veut juste dire "noirs tout unis". en afrique, ya que des noirs (de naissance, pas "colons" comme afrique du sud), donc logique que sa concerne les noirs... rien de raciste la dedans!
guyane est pays noir (regardez notre drapeau, meme couleur que senegal, benin, cameroun ect) donc on doit s'unir avec l'afrique pour bizness (import export ect). sa veut dire que sa...
"en afrique, ya que des noirs"
Vous avez séché beaucoup trop de cours d'histoire-géo !
On peut évidement interroger le biais identitariste (négritude, identité noire, condition noire…) et même y voir tel Fanon un risque de mystification, mais de là à confondre sans le moindre recul une volonté d’unité émancipatrice internationale avec un projet de suprématie raciale… C’est plutôt perché tout de même. Et à voir ainsi des Kémi Séba partout, à chaque fois qu’un intellectuel noir nous parle de la condition noire… Gaffe, ça peut facilement paraître tout aussi douteux ce genre de procès d’intention caricatural.
https://www.thinkingafrica.org/V2/portfolio/condition-noire-devenir-africain-pap-ndiaye/
https://www.liberation.fr/societe/education/les-attaques-de-lextreme-droite-ce-quil-y-a-de-plus-detestable-selon-la-romanciere-marie-ndiaye-soeur-de-pap-ndiaye-20220521_QRVZBY3VPBHVROQ6S7IAINY5PI/?redirected=1
La reponse de Jayjay est édifiante. Malheureusement, les panafricanistes "modernes" flattent les mêmes pensées racialisantes que les supremacistes blancs. En Guyane, ces gens là vont même jusqu'à nier l'antériorité des populations amerindiennes sur les populations noires en Guyane, jusque dans les salons de la mairie de Cayenne où ces adeptes du complotisme historique, se plaisent à faire des conferences dites d'eveil des consciences...
Et noir n'est pas une identité, mais une couleur de peau. Ce n'est donc pas un glissement identitaire comme vous le relativisez, mais bien un glissement raciste, puisqu'il se rapporte à la couleur de peau.
vous avez pas compris! pas gen racisme... juste que "qui se ressemble s'assemble" : Guyane, Gwada, Martinique communautée noire donc logique qu'on fasse "bizness" avec Afrique... dans la nature, on voit "rarement" les chiens avec chats, jaguars avec grages ect...
Je ne dis pas qu’il n’y a pas par-ci par-là quelques gratinés, mais à vous lire le nouveau ministre de l’éducation qui défend aussi le panafricanisme, serait donc lui aussi un suprémaciste noir en puissance… Périlleux ce genre d’anathème généralisant fondé sur des interprétations glissantes.
@benkwa: les propos abscons ne sont sûrement le signe d'une plus grande intelligence et sagacité. Ils permettent surtout de se donner une posture de mépris vis-à-vis des autres
Une réponse assez classique quand, de fait, on ne dispose pas des capacités pour comprendre le fond des sujets dont il est question et qu'à part des arguments ad hominem ou ad personam, on est sec niveau réflexions...rien de bien neuf devant le chinois.