Libération des otages du Niger : "On se doute bien que c'est Areva qui a payé"
Outre le Martiniquais Thierry Dol et les trois autres ex-otages Daniel Larribe, Pierre Legrand et Marc Féret, libérés mardi, il reste sept otages français toujours en captivité dans le monde dont deux au Mali, tout près du Niger : le lozérien Gilbert Rodrigues (enlevé par le Mujao en 2012 au Mali) et Serge Lazarevic (enlevé aussi par Aqmi en 2011 au Mali).
La fille de Serge Lazarevic, interviewé ce matin sur Europe 1, se dit déçue par le gouvernement et ne comprend pas pourquoi son père n'a pas été libéré comme promis avec les quatre autres otages enlevé par Aqmi aussi...
Elle met en doute les paroles du Quai d'Orsay qui lui ont affirmé qu'il n'y a avait pas de rançon versée. Jean-Yves Le Drian, lui-même, lui aurait dit : "La France ne paierait jamais, mais Areva peut-être..." Elle trouve cela injuste pour son père, qui apparaît comme "sans importance" et ajoute que "S'ils ont payé... c'est une honte. Je suis contre les rançons, cela encourage les preneurs d'otages dans le monde."
Pour elle, c'est "une grande hypocrisie", si son père n'a pas été libéré c'est qu'il n'est pas salarié d'Areva. Il était au Mali pour un projet professionnel personnel et ne dépend d'aucune entreprise alors que Pierre Legrand, Thierry Dol, Daniel Larribe et Marc Féret travaillaient pour le géant nucléaire Areva et une filiale du groupe de BTP Vinci.
D'ailleurs, Luc Oursel, le président du directoire d'Areva et Xavier Huillard, le PDG de Vinci se sont réjouis de leur libération.
Pour Pascal Lupart, président du comité de soutien de Serge Lazarevic : "On se doute bien que c'est Areva qui a payé pour la libération des otages d'Arlit", a-t-il dit, estimant que ceux qui restent désormais retenus au Mali sont "des indépendants, des sans-grade, qui n'ont pas derrière eux une entreprise capable de disposer d'une manne financière pour les faire libérer". Il a vivement François Hollande parce qu'il a affirmé que la France ne payait pas de rançon pour ses otages.
LeMonde.fr confirme le versement d'une rançon. Le journal cite "une source française" qui aurait évoqué une "contrepartie" de "plus d’une vingtaine de millions d’euros". Selon Le Monde, cette somme a "été prélevé sur les fonds secrets alloués aux services de renseignement".
"La France ne verse pas de rançon", a-t-on déclaré mercredi dans l'entourage du président Hollande, interrogé sur ces informations faisant état du versement de 20 à 25 millions d'euros en échange de la libération des quatre otages français. Avant le président, Jean-Yves Le Drian et Laurent Fabius ont rappelé la "doctrine" de la France : ne pas verser de rançon en échange des libérations d'otages.
Une position qui reprend celle de l'ex-président Nicolas Sarkozy, qui déclarait en mai 2011, en évoquant la libération des trois otages d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) deux mois plus tôt : "L'Etat français ne paie pas de rançon et ne cède pas aux chantages. C'est une question de principe. Mais il y a un autre principe auquel je suis attaché : toute vie est sacrée". M. Sarkozy confirmait ainsi en pointillés qu'une rançon avait pu être versée, cette fois par Areva.
"La rançon, a dit mercredi l'ancien patron d'un service de renseignements français, c'est un peu comme l'Arlésienne de Bizet. On en parle tout le temps mais on ne la voit jamais, alors que les Etats ou les entreprises payent dans la quasi totalité des cas". Ce spécialiste ajoute qu'il "y a toujours une rançon ou une contrepartie payée sous une forme ou une autre : argent, libération de prisonniers, livraisons d'armes..."
Un bon connaisseur d'Aqmi, qui demande à rester anonyme, ajoute : "Contrepartie ou pas : officiellement non, mais il y a toujours moyen de faire payer quelqu'un sans que cela soit officiel et c'est sans doute ce qui s'est passé". Avis partagés par Eric Denécé, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). "Tout le monde paye, même les Britanniques", assure ce spécialiste. "Rançon, contrepartie (libération de prisonniers), ou opération de vive force: il n'y a pas d'autre manière de libérer des otages".