« Des difficultés accrues pour la voie professionnelle »

« Des difficultés accrues pour la voie professionnelle »

Propos recueillis par Jean-Marc Atsé
Les élèves de la filière professionnelle, plus « à risque » de décrochage, seront prioritaires pour le retour en classe, qui doit être décidé fin mai.
Les élèves de la filière professionnelle, plus « à risque » de décrochage, seront prioritaires pour le retour en classe, qui doit être décidé fin mai.

Selon Jocelyn Présent, secrétaire académique du Snetaa-FO, les élèves de la voie professionnelle sont moins pourvus en matériel informatique tant dans certains établissements que chez eux. La continuité pédagogique est plus difficile à réaliser.

En voie professionnelle, l'enseignement fait la part belle à la pratique, comment les enseignants parviennent-ils à garder le lien avec les élèves et partager les cours ? Comment ont-ils adapté leur enseignement au confinement ?
Les élèves de la voie professionnelle ont besoin d’un accompagnement en présentiel plus soutenu qu’en lycée général. C’est pour cela que la continuité pédagogique a été plus difficile à réaliser. Grâce à l’expérience et à la conscience professionnelle de nos enseignants de la voie professionnelle, le lien avec les élèves a été maintenu pour 50 à 80% d'entre eux, suivant les établissements ou le niveau (3e prépa pro, CAP, bac pro ou BTS). Les décrocheurs se trouvent un peu plus au niveau des élèves de 3e prépa pro (qui sont en classe dans les lycées professionnels) et de CAP, car ce sont des élèves qui sont moins autonomes et plus en difficulté. 

Qu'a proposé l'Éducation nationale ?
Les outils proposés par l’Éducation nationale (Cned, Colibri...) n’étaient pas toujours adaptés. Certains élèves n’avaient pas de code ou une bonne connexion pour travailler à partir de Pronote. Il faut savoir, en plus, que le pourcentage d’élèves n’ayant pas d’ordinateurs ou de tablettes est plus important au niveau de la voie professionnelle. Il varie entre 20 et 30%. Quelques élèves sont encore démunis de matériel informatique et de connexion, malgré l’effort de la CTM et du rectorat. Pour pallier toutes ces insuffisances et ces difficultés, les enseignants ont adopté des moyens plus à la portée des élèves comme le mail, le téléphone portable, les messages WhatsApp accompagnés parfois de capsules vidéo pour l’aide à la compréhension, des exemples de résolution et des activités ludiques...
« Le taux d’absentéisme est plus élevé en lycée professionnel »
Toutes les disciplines de l’enseignement professionnel sont-elles logées à la même enseigne ?
Chaque enseignant s’est adapté aux circonstances pour l’intérêt de l’élève. La difficulté a été plus grande pour les disciplines de l’enseignement professionnel qui exigent une présence en atelier avec les machines et les outils adaptés surtout dans le domaine industriel (exemple : structures métalliques, verre aluminium, bois, hôtellerie restauration, coiffure, esthétique, électrotechnique...).

« Le bac professionnel obtenu cette année ne doit pas être dévalué. Il faudra prendre en compte le fait que certaines notions n’auront pas été approfondies en présentiel », insiste Jocelyn Présent, secrétaire académique du Snetaa-FO.


En temps normal, le taux d'absentéisme est plus élevé en lycée professionnel qu'en lycée général, a-t-on perdu depuis le 17 mars ceux qui décrochaient déjà ?
En temps normal, en effet, le taux d’absentéisme est plus élevé en lycée professionnel qu’en lycée général. Cela s’explique, en grande partie, par le profil des élèves orientés en voie professionnelle qui représentent un public plus en difficulté que celui des autres voies. De plus, depuis plusieurs années, cette difficulté est accrue par la politique rectorale et ministérielle de suppression de postes et de regroupement de certaines sections en CAP et en bac pro, dans les disciplines de l’enseignement général (français, langues, maths...). Cette politique a toujours été dénoncée par le Snetaa-FO Martinique. Quid du droit à l’éducation et à la justice sociale prôné par le ministère de l’Éducation nationale ? 
Il faut porter une attention particulière à ces élèves dans des groupes réduits pour combler leur retard. On constate effectivement que parmi les décrocheurs figure un nombre d’élèves déjà en difficulté avant le confinement. Par contre, on remarque que plusieurs élèves présents régulièrement en classe font également partie des décrocheurs pour des raisons de matériels ou encore d’environnement social.
« Pendant les grèves, plusieurs établissements ont placé leurs élèves en milieu professionnel »
Les grèves puis le confinement ont-ils découragé ceux pour qui la voie professionnelle était un choix par défaut ?
Au cours de la période des grèves de janvier à février 2020, plusieurs établissements ont fait le choix de placer leurs élèves en PFMP (ndlr : période de formation en milieu professionnel). Par conséquent, la grève n’a pas véritablement impacté ces élèves. Les enseignants responsables se sont déplacés pour leur rendre visite dans les entreprises. Quelques élèves de terminale devaient effectuer leurs dernières semaines de stage au mois de mars. À cause du confinement, ils n’ont pas été en mesure de le faire. En revanche, ils auront réalisé, pour la plupart, au moins 15 semaines de stage en entreprise sur l’ensemble de leur formation. Cela devrait être suffisant pour la validation de leurs périodes de stage en entreprise. 

Pas de découragement donc ?
Il n’y a pas véritablement d’élèves découragés par les grèves ou le confinement. Il faut tout simplement admettre que les élèves de la voie professionnelle, en particulier, ne peuvent pas travailler uniquement à distance et que le présentiel est indispensable surtout pour les disciplines d’enseignement professionnel.
« Une attention particulière sera accordée au contenu du livret scolaire »
Comment le bac professionnel va-t-il se dérouler cette année ?
En raison de l’épidémie de coronavirus, les modalités du bac 2020 se trouvent complètement chamboulées. Il n'y aura pas d’épreuves écrites terminales, les élèves de terminale professionnelle seront cette année évalués par le biais du contrôle continu et des contrôles en cours de formation. Une attention particulière sera accordée par le jury au contenu du livret scolaire. Pour les disciplines d’enseignement général, il ne devrait pas y avoir de problèmes car les élèves de terminale ont travaillé de septembre à janvier 2020. À cela, il faut ajouter les notes de seconde et de première.
Pour les disciplines de l’enseignement professionnel, il sera impossible de réaliser les épreuves pratiques finales, mais les enseignants ont déjà évalué leurs élèves au cours de leur formation en atelier. Ils ont obtenu des notes via les contrôles en CCF (ndlr : contrôle en cours de formation). Les enseignants ne doivent pas avoir de problèmes pour renseigner le livret scolaire sur la valeur professionnelle des élèves et les progrès constatés au cours des trois années de formation.

Des évaluations complémentaires sont-elles prévues ?
Il est prévu par le ministère de l’Éducation nationale de pouvoir effectuer des évaluations complémentaires au mois de juin 2020, si les conditions sanitaires permettent une reprise sans risque. Il ne devrait pas y avoir de problèmes pour la validation des PFMP. Sinon, c’est le jury qui appréciera et prendra la décision qui s’impose. En conclusion, le bac professionnel obtenu cette année ne doit pas être dévalué. Il faudra prendre en compte le fait que certaines notions n’auront pas été approfondies en présentiel. Par conséquent, pour le Snetaa-FO Martinique, l’année prochaine, il sera indispensable, dans la continuité de parcours, de revoir et renforcer les notions de base des thèmes que l’on abordera en post-bac, tant pour les disciplines d’enseignement général que pour celles de l’enseignement professionnel. Il sera également indispensable de prévoir la possibilité d’un complément de formation pratique pour certains élèves qui s’insèreront tout de suite dans le monde du travail. 

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