Bruno Steinmann, Premier président de la cour d'appel : « Davantage d'affaires et des affaires plus graves »

Bruno Steinmann, Premier président de la cour d'appel : « Davantage d'affaires et des affaires plus graves »

Propos recueillis par R. Lamy

Alors que magistrats et fonctionnaires s'apprêtent à quitter la cour d'appel de Fort-de-France du Morne Tartenson d'ici à la fin de l'année, le Premier président brosse le portrait de l'activité de la juridiction, caractérisée par une hausse du contentieux civil et pénal.

Lors de la rentrée solennelle de la cour d'appel de Fort-de-France, vous avez évoqué un certain nombre d'indicateurs illustrant l'activité soutenue de la Juridiction. Qu'en est-il réellement ?
Nous avons, en effet, une multiplicité d indicateurs. Au pénal, par exemple, nous avons enregistré entre 40 à 70% d'affaires en plus. La chambre de l'instruction a connu une hausse du nombre de saisies de 60%, notamment pour des demandes de mises en liberté. Cela s'explique parce qu'il y a globalement plus d'affaires et qu'elles sont aussi plus graves. C'est pourquoi, sur le plan pénal, il y a une volonté d'apporter une réponse forte. Les Assises, pour lesquelles nous avons consacré 120 jours d'audience en 2013, sont la partie la plus emblématique. Maigre une hausse de 46% des affaires criminelles, notre stock a baissé de 16%, passant de 70 affaires à 50 cette année aux Assises. Cela correspond à une année de traitement. Cette nette amélioration atteste de la volonté de juger bien et rapidement. Ce qui est une bonne chose pour la paix sociale.
Le contentieux civil, déjà important a également continué à augmenter en 2013 ?
Il est en hausse de 12% mais, parallèlement, notre stock a diminué de 10% grâce à l'investissement des magistrats et des fonctionnaires de la Cour. Aujourd'hui, nous avons un peu moins de 1000 dossiers en stock. En appel, les affaires sont jugées relativement rapidement. Mais les délais ne dépendent pas seulement des juges. Au civil, les deux parties s'échangent leurs conclusions et il y en a toujours une qui n'est pas pressée de voir la décision. Le travail du juge est de faire accélérer les procédures, en respectant le principe du contradictoire. Le temps du magistrat pour juger varie entre 5 semaines à 2 mois. Pour les contentieux urgents, la décision est rendue dans les 15 jours.
Sur quoi les efforts doivent-ils encore porter aujourd'hui ?
Compte-tenu de l'activité civile et pénale qui augmente sensiblement chaque année, je souhaiterais que la juridiction soit renforcée en terme de magistrats.
Aujourd'hui, nous sommes 11 au siège, 4 au parquet général pour 25 fonctionnaires. Nous avons aussi des marges de manoeuvre dans la délivrance des copies de dossier aux avocats. La numérisation des pièces est encore très compliquée, il y a un gros travail entrepris là-dessus. Enfin, l'accueil des justiciables me paraît fondamental. Il est largement insatisfaisant aujourd'hui. C'est en grande partie ne a nos locaux qui ne s y prêtent pas très bien. On compte beaucoup sur la nouvelle cour d'appel pour améliorer cela, avec, je l'espère, un accueil unique pour les justiciables de Martinique.
Justement, où en est ce projet de la future cour d'appel de Fort-de-France ?
Sauf aléa d'importance, le bâtiment devrait être livré au dernier trimestre 2014. Depuis 1982, magistrats et fonctionnaires sont logés dans ce qu'on appelle communément « le hangar à bananes » sur le Morne Tartenson. La symbolique de la justice n'est pas servie. L'Agence publique pour l'immobilier de la justice (APIJ), à travers ce projet de 30 millions d'euros, vise à accueillir le service administratif et la cour d'appel au sein des mêmes locaux de 3 étages. Les revêtements des extérieurs -des panneaux en verredevraient bientôt arriver. Ce bâtiment sera construit au-delà des normes parasismiques, il pourra aussi servir à abriter une partie de la population de Fort-de-France en cas de catastrophe naturelle.
« Sur le plan pénal, il y a une volonté d'apporter une réponse forte, en jugeant rapidement et bien. Notre nette amélioration en ce sens est une bonne chose pour la paix sociale » .
« Sur le plan pénal, il y a une volonté d'apporter une réponse forte, en jugeant rapidement et bien. Notre nette amélioration en ce sens est une bonne chose pour la paix sociale » .
Le budget de la justice est souvent le nerf de la guerre, quid de celui de la juridiction ?
À ce jour, le budget 2014 alloué pour les frais de justice est de l'ordre de 3,5 millions d'euros. Et celui de nos frais de fonctionnement (papiers, cartouches, téléphones, informatique...) atteint environ 3 millions d'euros. J'ai la charge de réduire ces dépenses, tout en faisant mieux, avec des moyens constants. Cela se traduit par la sensibilisation de chacun à l'utilisation du papier, de l'électricité, des cartouches, du téléphone... Les frais de justice occasionnent des sommes importantes en terme de dépenses. On s'assure, par exemple, que le gardiennage des bateaux saisis, que nous payons, soit le plus court possible, juste le temps nécessaire à l'enquête. Tous les experts sont payés même s'il y a un délai entre leur dépôt de mémoire, son traitement, son enregistrement et son paiement.
La cour d'appel opérationnelle début 2015
La future cour d'appel de Fort-deFrance, nichée en plein coeur du centre-ville, à deux pas de l'ancien palais de justice, commence à sortir de terre.
Ce projet de 30 millions d'euros environ et d'une surface de plancher de 3195 m2 doit être livré fin 2014, sous l'impulsion de l'équipe de maîtrise d'oeuvre englobant Gilles Bouchez Architecture (mandataire du groupement), GEC Ingénierie et Anonym'art.
Le futur édifice, totalement aux normes parasismiques, prévoit d'accueillir une salle d'audience pénale de 72 places, une salle d'audience civile de 24 places et une salle d'audience mixte. La cour pourra ainsi accueillir 54 personnes : 20 magistrats et 34 fonctionnaires. Elle remplacera les actuels locaux « provisoires » du Morne Tartenson, dans lesquels magistrats et fonctionnaires siègent depuis plus de 30 ans.
(Crédit Gilles Bouchez Architecture)
(Crédit Gilles Bouchez Architecture)

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