Dans les magasins, le fonctionnement de crise s'est rodé

Dans les magasins, le fonctionnement de crise s'est rodé

Amandine ASCENSIO
Une longue file d'attente se constitue tous les jours devant l'hypermarché et alors que dans l'Hexagone, les clients patientent parfois plus d'une heure avant de pouvoir faire leurs courses, ici, c'est une quinzaine de minutes.
Une longue file d'attente se constitue tous les jours devant l'hypermarché et alors que dans l'Hexagone, les clients patientent parfois plus d'une heure avant de pouvoir faire leurs courses, ici, c'est une quinzaine de minutes. • AMANDINE ASCENSIO

Alors que le confinement entre dans sa 3e semaine, les magasins alimentaires ont pris le pli du fonctionnement en temps de pandémie. D'une situation exceptionnelle, ils ont réussi à créer une routine bien acceptée et tout le monde, clients comme salariés, fait contre mauvaise fortune bon coeur.

Le vigile, à l'entrée du magasin, stoppe le monsieur qui entre dans une supérette de Baie-Mahault. « Non, attendez, il y a déjà dix clients à l'intérieur. » Le client attendra dehors qu'une personne sorte avant de pouvoir entrer faire ses courses. La mesure a été prise rapidement après la mise en confinement de la Guadeloupe. Pas plus de 10 à l'intérieur, histoire de ne pas encombrer les étroits rayons, d'éviter de se croiser de trop près et surtout, de ne pas engorger les caisses, protégées par une vitre en plexiglas. Dans l'équipe, plus ou moins équipée de masque, l'ambiance est au beau fixe. « Pas le choix, sinon c'est vraiment morose », sourit une des personnes en charge de la caisse.
La peur de tomber malade est là, un peu présente, mais la vitre en plexiglas est une bonne barrière. Depuis qu'elles ont été installées, les caissières se sentent un peu plus plus protégées. Dans d'autres supermarchés de l'île aussi, des mesures ont été prises. Équipement, gel hydroalcoolique, consignes de désinfection « toutes les 15 minutes » ont été adoptés vitesse grand V depuis la déclaration de l'épidémie sur l'île.

Dans la grande distribution, le personnel de caisse est protégé par des masques mais aussi des vitres en plexiglas. • Amandine ASCENSIO

« Entre la vitre, le masque (de type chirurgical, NDLR) et les masques visières, on étouffe un peu, mais je préfère ça plutôt que rien du tout », explique une caissière d'un supermarché de l'île, les yeux pétillant d'un sourire dissimulé derrière son attirail. La voix peine à passer la barrière de toutes les protections. Il faut faire répéter. Mais qu'importe. Elle se sent plus en sécurité. D'autant que, comme témoigne une employée d'une épicerie « certains clients viennent, et ça se voit qu'ils sont malades ».
Gérer les flux
Dans les hypermarchés de l'île, où l'afflux de consommateurs est d'ordinaire incessant, il a fallu mettre des règles. À l'entrée du magasin Carrefour, à Destreland, du personnel de sécurité régule la clientèle qu'il fait entrer par groupes de 10 à 20 personnes. Les vannes s'ouvrent en fonction du nombre de gens qui sortent, communiqué par un collègue qui surveille les caisses. Une file d'attente a été installée et s'étend tout le long de la galerie marchande. « C'est un peu impressionnant au départ, cette longue queue, mais je viens d'arriver et je suis déjà presque dans les rayons », sourit Suzelle, qui salue la distance que les gens mettent naturellement entre eux : « C'est la psychose, alors au lieu d'un mètre, on s'écarte de trois. » Derrière elle, un couple est venu faire ses courses ensemble, malgré l'interdiction de circuler à plusieurs. Eux aussi patienteront 10 à 15 minutes avant d'entrer dans le magasin. Tout le monde trouve ça normal, plus sécuritaire, rassurant.

Grâce à une signalétique au sol, des consignes sont données pour respecter la distanciation sociale entre les clients. • Amandine ASCENSIO

Partout des panneaux d'affichage rappellent les consignes de sécurité : ne pas emmener ses enfants, garder ses distances entre clients aux caisses et dans la file d'attente, laver ses fruits et légumes avant de les consommer, etc. « Je ne porte pas de masque, ni de protection », indique Guy, professeur d'éducation physique et sportive, venu faire son plein de la semaine. « Je suis resté tout le temps chez moi, je ne développe pas de symptômes de la maladie, alors je n'ai pas de raison de porter un masque. » Tout autour de lui, nombreux sont les clients qui arborent gants et masques en tout genre, et qui circulent un peu partout. « On ne sait jamais », confie gentiment Laurie, gantée, masquée, chariot plein à craquer et qui trouve qu'il y a peut-être un peu trop de monde dans le magasin.
Horaires aménagés
« Nous avons mis en place des horaires aménagés pour les personnes fragiles (personnes âgées de plus de 65 ans, femmes enceintes etc.) : nous ouvrons de 6 h 30 à 8 heures, spécifiquement pour eux, depuis 15 jours », indique Laurent D'Auber, le directeur de l'hypermarché, qui compte quelque 5 000 personnes par jour dans le magasin. « Avant 8 heures ce matin, on a eu 150 - 200 clients. » La priorité est aussi donnée au personnel soignant, qui peut se présenter, carte professionnelle à l'appui, aux caisses dédiées, à toute heure d'ouverture du magasin. « Nous fermons à 18 heures », rappelle le directeur. Car, pour constituer le réassort des rayons, et pour « protéger » son personnel, dit-il, les équipes arrivent à partir de la fermeture du magasin. « Ils travaillent jusqu'à minuit payés en heures de nuit. »

Le directeur du magasin Carrefour Destreland, Laurent D'Auber. • Amandine ASCENSIO

Pour le personnel un seul mot d'ordre compte : la sécurité dans le magasin, mais aussi en dehors, car « tout le monde a des familles à protéger ». Alors chacun est équipé des sacro-saints masques FFP2 et de gants, que la direction affirme avoir en nombre suffisant. Tout comme le gel hydroalcoolique. « Et puis nous sommes confiant sur le réassort, on sait que des commandes sont passées, l'important c'est de tenir jusqu-là », souligne Laurent D'Auber, qui note aussi qu'on est devenu « un peu moins comptables, un peu moins commerciaux. Certains process coûtent plus cher, mais honnêtement, ce n'est vraiment pas la priorité en ce moment ».
Merci et bravo
Pour les travailleurs, c'est la garde d'enfant qui peut poser un problème. « On se débrouille avec les taties, ou les mamies », glisse une hôtesse d'accueil pourtant non concernée par la problématique : sa fille a déjà 18 ans. Pour Claude, chef de rayon, c'est sa femme, fonctionnaire en télétravail qui reste à la maison avec les enfants. « Heureusement, parce que sinon, je ne sais pas trop comment ça se passerait. Mais là, tout va bien. » Il y a, étrangement, peu de craintes dans les rangs des personnes interrogées. Peut-être est-ce parce que l'épidémie semble maîtrisée, chez nous. « On a des protections, c'est organisé. Mais on sera contents quand même quand ça sera fini. Contents et peut-être un peu fatigués aussi. »
Dans la file d'attente, un panneau trône au milieu des autres. Il affiche des photos de ces salariés, caissiers, agents de ménages, d'accueil et de sécurité, les équipes alimentaires et non alimentaires, tous ces « inconfinables » pour qui le télétravail ou le chômage partiel n'existe pas. Le panneau affiche aussi un message : « Un immense merci et bravo ».

Dans plusieurs magasins, des désinfectants sont mis à disposition des clients pour les mains ou les paniers et chariots. • Amandine ASCENSIO


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