« Notre rêve ? Vivre en paix »
CAYENNE

« Notre rêve ? Vivre en paix »

Karin SCHERHAG
Ricardo Arnoldo, Joanna et leurs enfants s'apprêtent à fêter Noël dans un appartement prêté par la Croix-Rouge (KS)
Ricardo Arnoldo, Joanna et leurs enfants s'apprêtent à fêter Noël dans un appartement prêté par la Croix-Rouge (KS)

Nous avons retrouvé Ricardo Arnoldo et sa famille dans un logement de la Croix-Rouge. Expulsés comme une centaine d'autres personnes du squat de Châton le 14 octobre, ils tentent de vivre normalement en attendant d'obtenir - ou non - leur titre de séjour.

Ricardo Arnoldo Luna Gaitan a retrouvé le sourire. Installé avec toute sa famille dans un petit appartement du centre-ville de Cayenne, il essaie de mener une vie normale. Ou presque. « Je ne sors jamais sans ce document » , explique-t-il en présentant un récépissé de la préfecture soigneusement plastifié. Ce n'est pas un titre de séjour mais ce document, daté du 23 octobre 2014, indique clairement que le Colombien a « le droit de rester en France jusqu'à la notification de décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) » .
PAYS DES DROITS DE L'HOMME
Cependant, ni Ricardo Arnoldo, ni sa femme Joanna n'ont le droit de travailler ou d'ouvrir un compte bancaire tant que leur situation n'a pas été clarifiée. Leurs deux aînés, Paolo (6 ans) et Mitsuky (3 ans), sont scolarisés à Cayenne. « C'est difficile de vivre en permanence dans l'attente parce que je ne suis pas seul, glisse Ricardo Arnoldo. L'avenir de toute ma famille dépend de cette décision » , qui pourrait arriver dans plusieurs mois et être négative. Le couple serait alors obligé de quitter la Guyane. Mais Joanna et Ricardo Arnoldo préfèrent ne pas envisager ce scénario. « On ne peut pas rentrer en Colombie. Si on met un pied là-bas, on est mort. »
Président pendant dix ans d'une ONG qui vient en aide aux femmes victimes de violences à Bogotá, le père de famille a été menacé, persécuté et a finalement décidé de fuir son pays. « On est venu ici parce que la France, c'est le pays des droits de l'Homme, explique-t-il. Vous savez chez nous, Paolo n'allait pas à l'école. C'était trop dangereux. Ici, il apprend à aller vers les autres enfants, à s'ouvrir, à se faire des copains. Je le vois changer. On est plus heureux ici. »
Leur chemin est pourtant semé d'embûches. Arrivés mi-août en Guyane, Ricardo Arnoldo, Joanna et leurs trois enfants avaient immédiatement échoué au squat de Châton. Dans une case de bois à peine assez grande pour accueillir les affaires de toute la famille. Deux mois plus tard, ils étaient expulsés par les forces de l'ordre. Quand nous les avions rencontrés, ils étaient totalement démunis, apeurés. Et n'avaient nulle part où aller. « Comme beaucoup d'autres personnes, nous nous sommes rendus à la préfecture pour demander de l'aide » , se souvient le couple.
« ON VEUT RESTER ICI »
La Croix-Rouge a alors pris toute la famille en charge, leur permettant d'occuper ce logement refait à neuf dans un immeuble où se croisent Péruviens, Haïtiens et autres réfugiés. « Le plus compliqué, c'est de nourrir toute la famille. Avant de quitter la Colombie, on a vendu la maison, la voiture. On est arrivé avec un peu d'argent. Mais tout est tellement cher ici... » Les petites économies du couple fondent vite et la famille devrait encore s'agrandir dans les prochains jours. Joanna attend une petite fille. « Elle s'appellera Akemi » , sourit la maman en posant les mains sur son ventre. Son époux lui adresse un regard ému. « Notre rêve aujourd'hui, c'est de vivre en paix. Loin de toutes ces persécutions. Et j'imagine qu'ici, en Guyane, ce sera possible. Parce que dans ce pays, tout est possible. »
Les yeux de Ricardo Arnoldo s'illuminent alors. « On veut rester ici, répète-t-il. Apprendre le français. Et travailler. Moi, j'aimerais créer une fondation comme celle que je présidais en Colombie. C'est vrai qu'elle m'a causé beaucoup de malheurs. Mais je veux aider les autres, je suis fait pour ça. » Un voeu suspendu à la décision de l'Ofpra.
(Karin Scherhag)
(Karin Scherhag)

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