Justice : les interprètes impayés en grève

Justice : les interprètes impayés en grève

franceguyane.fr / D.S-J

Les interprètes de Guyane sont en grève illimitée depuis ce matin. Ils réclament la régularisation de leurs salaires impayés. Outre les retards des années précédentes, ils n'ont rien perçu sur 2012.

Les interprètes de Guyane sont en grève illimitée depuis ce matin. Ils réclament la régularisation de leurs salaires impayés. Outre les retards des années précédentes, ils n'ont rien perçu sur 2012. © photos : D.S-J

« Nos revendications sont simples : le paiement intégral de tous les mémoires de frais déposés jusqu'à ce jour pour l'ensemble des interprètes-traducteurs de Guyane »

"Nos comptes en banque sont au rouge. Nos factures impayées s'accumulent, les huissiers sont devant nos portes !"

Après s'être fait entendre dans l'enceinte du palais de justice où débutait la session de la cour d'assise, les grévistes se sont rendus en cortège à la cour d'appel où ils ont scandé leur demande.

Le fonctionnement de toute la justice risque bien de partir de ce mouvement notamment l'audience de la cour d'assises qui débute le 18 septembre

Lire notre article paru le 12 septembre :

« Je travaille pour l'État mais il m'oublie. J'attends des règlements sur 2009, 2010 et 2011... Pour cette année, on n'a pas touché un centime! » Dans le hall des pas perdus du palais de justice, les plaintes des interprètes et traducteurs se multiplient. Les confidences traduisent une situation difficile. « Je me suis juré de ne pas me rendre malade avec cela, pourtant je suis endettée jusqu'au cou » lance l'une des interprètes, reconnaissant que certaines de ses collègues ont craqué.

« Ma banque m'accorde un découvert de 1 500 euros. Je suis à plus de 3 500 euros de découvert et deux mois de loyer en retard. Pour faire face, j'ai dû vendre mes bijoux » , poursuit une autre alors qu'une troisième préfère rire d'avoir vu débarquer à son domicile un huissier pour ses retards de paiement de loyer. Malgré leurs demandes, leurs mémoires de frais de justice afférents à leurs missions ne sont pas réglés dans des délais raisonnables et, faute de revenus, les dettes s'accumulent.

Face à leurs questions, ils ou elles n'obtiennent pas de réponse : « Un magistrat nous dit que c'est un problème technique, un autre avoue qu'il n'y a pas d'argent... On ne sait plus à quel saint se vouer! »

Une situation qui perdure depuis des années (lire encadré), aussi, jeudi dernier les interprètes et traducteurs se sont réunis. Dix-huit ont décidé de se faire entendre en déposant un préavis de grève à compter du lundi 17 septembre. Un préavis qui a été déposé aux chefs de cour, au président de la cour d'assises, aux chefs de juridictions et au tribunal de grande instance. Les dix-huit interprètes ont aussi adressé le 6 septembre un courrier à la directrice des Services judiciaires à la Chancellerie avec l'espoir d'être entendus en haut lieu. Un courrier dans lequel les retards de paiement sont soulignés avec la précision « qu'aucune des missions accomplies au cours de l'année 2012 n'a été payée, alors que le dernier trimestre de l'année est imminent » .

« Nos revendications sont simples : le paiement intégral de tous les mémoires de frais déposés jusqu'à ce jour pour l'ensemble des interprètes-traducteurs de Guyane » , souligne la lettre à la directrice des Services judiciaires.

D'ailleurs, les signataires ont décidé que « cette grève ne prendrait fin qu'à l'annonce par le ministère de la Justice de son engagement de règlement définitif et à une date préfixée de ces honoraires » .

Dans le concret, cette grève perturbera le fonctionnement de toute la justice car les audiences nécessitant un interprète, que ce soit devant la cour d'assises, la cour d'appel, ou le tribunal correctionnel, ne pourront pas se tenir... Et le problème risque de se poser également pour les auditions des étrangers lors des gardes à vue à la police et à la gendarmerie.
 
 
- Un problème qui perdure
 
Le problème du paiement des prestations des interprètes travaillant pour la justice n'est pas nouveau en Guyane. Une grève de six semaines s'était tenue en 1999 et en juin 2006 (notre photo ci-dessus), une mobilisation de dix jours avait vu la venue depuis la Martinique du Chef de cour. Des fonds avaient été débloqués... Mais rapidement, le problème est revenu d'actualité. Au fil des audiences, des « cris de détresse » se sont fait entendre comme lors de l'audience 10 décembre 2010 : « Je travaille tous les jours et j'aimerais bien être payée en retour! » , avait déclaré à la barre une interprète. Fatiguée des retards de paiement, elle avait demandé de faire remonter sa requête. Le président, en promettant d'inter-céder en sa faveur, avait souligné que le problème n'était pas unique à la Guyane mais se posait également dans l'Hexagone. D'ailleurs en juillet, alors que la grogne montait, l'article du Canard enchaîné répondait à leur plainte. Le journal satirique titrait : « La Justice, patron voyou » pour dénoncer : « l'employeur qui paie ses employés avec parfois plus d'un an de retard et reste sourd à leurs lettres de relance désespérées » . L'article fustigeait « cet horrible patron, qui n'est autre que le ministère de la Justice qui, depuis des années, traite ses traducteurs, psychologues et autres « auxiliaires » experts avec une insouciance qui aurait valu à tout autre de sévères condamnations » .
 
 



« Nos revendications sont simples : le paiement intégral de tous les mémoires de frais déposés jusqu'à ce jour pour l'ensemble des interprètes-traducteurs de Guyane »
"Nos comptes en banque sont au rouge. Nos factures impayées s'accumulent, les huissiers sont devant nos portes !"
Après s'être fait entendre dans l'enceinte du palais de justice où débutait la session de la cour d'assise, les grévistes se sont rendus en cortège à la cour d'appel où ils ont scandé leur demande.
Le fonctionnement de toute la justice risque bien de partir de ce mouvement notamment l'audience de la cour d'assises qui débute le 18 septembre

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