Beethova Obas : « J’ai hâte de revenir en Martinique… »
INTERVIEW-

Beethova Obas : « J’ai hâte de revenir en Martinique… »

Propos recueillis par Rodolf Etienne
La Martinique a une très large place dans mon cœur. C’est grâce aux musiciens de Malavoi, Paulo Rosine en particulier, que j’ai fait le grand saut dans le monde.
La Martinique a une très large place dans mon cœur. C’est grâce aux musiciens de Malavoi, Paulo Rosine en particulier, que j’ai fait le grand saut dans le monde. • B.G

Le samedi 12 janvier dernier, Beethova Obas était en concert à la salle Aimé Césaire de l’Atrium. Un grand moment de musique et d’émotions. L’artiste revient sur sa passion de la Martinique et ses « missions » en tant qu’homme engagé…

De quand date votre dernier passage en Martinique ?
De bientôt quatre ans. Entretemps, il y a eu l’enregistrement de « Futur », des concerts, des tournées, aux Etats-Unis, en Haïti, Guadeloupe, etc.

Quelques jours après le tremblement de terre en janvier 2010, vous étiez donc en studio finalisant l’enregistrement de l’album ?

Oui, j’étais en Pologne quatre jours après le séisme. Pas pour enregistrer à un prix pas cher, comme on pourrait le penser, mais pour une raison fondamentale ! Il faut savoir que la Pologne a un lien très fort avec Haïti. Occupés alors par la France, les Polonais figuraient en première ligne dans l’armée de Napoléon, chargée de rétablir l’esclavage à Saint Domingue. Arrivés sur l’Île, Ils changèrent leurs fusils d’épaule et combattirent l’armée française aux côtés des généraux Haïtiens. Sur place, j’ai relaté cette Histoire pour rétablir des rapports et des liens diplomatiques forts entre la Pologne et Haïti.
 
Tous mes albums ont un sens profond. Celui-là est symbolique à double titre. Il signifie qu’il faut un nouveau départ après le séisme.
Quel sens revêt cet album pour vous ?

Tous mes albums ont un sens profond. Celui-là est symbolique à double titre. Il signifie qu’il faut un nouveau départ après le séisme. Si on doit se référer aux cinquante dernières années, Haïti n’a fait, à mon sens, que reculer, notamment à cause de la dictature suivie d’une instabilité politique du pays. On n’arrive jamais à rien dans le contexte d’instabilité politique. En tant qu’artiste musicien, je me considère comme un capteur d’énergie et cette énergie je me dois de la réémettre vers le public. Cet album a cette mission de renvoyer l’énergie au plus grand nombre et arrive au bon moment. Ce qui représentait les forces d’alors en Haïti se sont effondrées : le Palais national, le ministère des finances, la grande caserne des Forces Armées, la cathédrale. Tout ça pour moi revêt un aspect symbolique qui signale qu’il faut tout recréer. Je pense qu’il faut bâtir le pays en pensant prioritairement aux enfants et à leur éducation. On ne bâtit pas une nation uniquement en érigeant des édifices, mais prioritairement en formant des Hommes.
 
En quoi consiste votre rôle d’Ambassadeur de l’Organisation des Etats Américains ?

L’OEA avait besoin de faire passer un message fort contre la violence dans la zone. Elle a estimé que ma musique représentait cette idée. J’ai donc été choisi pour ma musique et dans le but de développer un message positif, un message contre la violence. Certaines organisations ont besoin de modèles parce que les messages passent plus rapidement par la voix des artistes. Ce statut, de manière symbolique, me permet d’intervenir dans des cadres où la montée de violence est palpable. Voilà qui me donne la possibilité d’attirer l’attention sur la situation bouleversée du monde dans lequel nous évoluons.
 
Vous êtes en contact avec la diaspora haïtienne. Quelle place occupe cette diaspora, selon vous, dans le monde international ?

La diaspora haïtienne tient un rôle majeur dans la communauté internationale. Les Haïtiens sont travailleurs et partout où ils vivent ils s’adaptent, acceptant des tâches que la majorité refuse. D’un autre côté, si nous avons des intellectuels installés partout dans le monde, ils ne servent que partiellement Haïti, en tout cas pas de la même façon que si ils y vivaient. Ces transferts représentent une rentrée mensuelle de devises pour le pays, pour la famille, pour les enfants. Cette manne est considérée comme la plus importante ressource du pays. Seulement, leur savoir-faire, leur expérience ne servent pas directement la population ni le pays. C’est peut-être le côté négatif de l’émigration.
 
Haïti est aujourd’hui à la présidence de la CARICOM. Est-ce un plus pour l’intégration du pays dans la zone Caraïbe ?

Je pense que c’est une bonne chose. Haïti a sa place au sein de la CARICOM et sa présidence est tout à fait normale. Cette position lui permettra de se faire mieux connaître dans la région et dans le monde. Il ya toujours du positif et du négatif en toutes choses. Il faudra donc savoir tirer le positif de ce statut.
 
Quelle place occupe la Martinique dans votre cœur ?
 
La Martinique a une très large place dans mon cœur. C’est grâce aux musiciens de Malavoi, Paulo Rosine en particulier, que j’ai fait le grand saut dans le monde. Les musiciens de Malavoi m’ont mis le pied à l’étrier. Mais mon rapport à la Martinique est encore plus profond, puisque j’ai un lien familial avec l’île. Je suis le parrain de l’Association pour la Préparation et la Promotion des Artistes Handicapés de la Martinique (APPAHM). Quand je suis en Martinique, j’ai le sentiment d’être chez moi. Et le public me le rend bien, par sa gentillesse et son amour. Je suis très fier de cette relation avec la Martinique et les Martiniquais.
 
Quel est votre sentiment après votre dernier concert ?

C’était un moment extraordinaire ! Le public aime donc ma musique et ça j’en suis très fier. J’ai joué avec des musiciens martiniquais : Jean-Marc Albicy (basse), Guillaume Bernard (batterie), Bago (percussions), Dominique Bérose (piano), Sonia Pinel-Féréol et Claudine Pennont (chœurs). J’ai découvert une slameuse extraordinaire du nom de Yawa, je l’ai invitée au concert et son slam « Bèt a fe » a cartonné ! J’avais également invité un autre martiniquais, saxophoniste, Mister John. Tout ce monde et le public ont été extraordinaires. J’ai hâte de revenir.

 

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