L'accident de chantier à l'hôpital de Trinité devant la justice
AUDIENCE

L'accident de chantier à l'hôpital de Trinité devant la justice

H. Br.
Au coeur de l'enquête, cette plaque de protection qui n'avait pas été placée dans la tranchée pour la stabiliser. (V. M.-P/Archives France Antilles)
Au coeur de l'enquête, cette plaque de protection qui n'avait pas été placée dans la tranchée pour la stabiliser. (V. M.-P/Archives France Antilles)

La SOGEA Martinique était jugée mercredi par le tribunal correctionnel pour homicide involontaire. Un ouvrier de 46 ans avait trouvé la mort, enseveli dans une tranchée sur un chantier de l'hôpital de Trinité en 2008.

Cette dramatique affaire remonte au 20 août 2008. Ce jour-là, deux ouvriers intérimaires, employés par la société Fiderim et mis à la disposition de la SOGEA Martinique, étaient victimes d'un accident du travail alors qu'ils creusaient une tranchée sur le chantier de l'hôpital de Trinité. Un Gros-Mornais, Luc Fleury, enseveli dans la tranchée, perdait la vie dans d'atroces circonstances. Quant à son collègue, il avait eu le temps de s'extraire.
Ce dossier, jugé hier, revient de loin. En effet, en 2011, le juge d'instruction en charge de cette affaire avait ordonné un non-lieu. Après avoir ordonné un supplément d'informations, la Chambre d'instruction de la cour d'appel décidait finalement de renvoyer la SOGEA devant le tribunal correctionnel.
Le jour des faits, les ouvriers sont descendus dans une galerie de 3 mètres 50 de profondeur alors que le blindage de sécurité n'avait pas été installé. Un dispositif obligatoire dès 1 mètre 30 de profondeur. Il apparaît qu'au moment du drame, le chef de chantier était absent, remplacé par le chef de travaux. Une présence et une autorité qui ont fait débat entre les parties tout au long de l'audience.
« MON ÉPOUX N'ÉTAIT PAS SUICIDAIRE »
À la barre du tribunal, la veuve de Luc Fleury raconte comment sa vie et celle de son fils ont basculé ce 20 août 2008. Il est encore très difficile pour elle d'évoquer les faits. « Mon époux n'était pas suicidaire. Il se réveillait le matin pour nourrir sa famille » . Même tonalité dans la plaidoirie de Me Edmond-Mariette. Il fustige les pratiques des multinationales comme la SOGEA. « On est mieux disant, on remporte les marchés et ensuite on prend des sous-traitants » . Il affirme que, ce jour-là, il n'y avait pas de représentant de la SOGEA Martinique sur le chantier. L'avocat déclare que ce chantier a été déclaré le 10 septembre 2008 soit quelques jours après le drame alors qu'en réalité les travaux auraient débuté dès la fin juillet et que le permis de construire avait été délivré le 18 août 2008. Pour Me Edmond-Mariette, il n'y a pas de doute, la SOGEA est le principal responsable au regard du droit du travail et de la sécurité au travail.
Dans ses réquisitions, Jean-Pierre Bot, le procureur adjoint, retient trois obligations en matière de sécurité au travail. Il parle de règles de bon sens. Le magistrat rappelle qu'en premier lieu, il faut prendre des mesures de sécurité pour ce type d'ouvrage. Il faut sur le chantier une personne ayant une autorité pouvant faire respecter les règles de sécurité. Les deux autres obligations sont tout aussi primordiales : « Les salariés doivent être préalablement formés. Et les matériels de sécurité doivent être mis à la disposition des salariés... Ces matériels doivent être complets » .
Le magistrat considère que ces trois obligations n'ont pas été respectées. Il met en évidence trois fautes qui ont conduit à cet homicide involontaire. Il réclame une peine d'amende en fonction du chiffre d'affaires de la SOGEA Martinique.
« IL Y A EU UNE PRISE DE RISQUE... »
En défense, le bâtonnier Rénia soutient que les fouilles (tranchées, galeries) constituent 80% de l'activité de la SOGEA. Me Rénia met en avant les formations en matière de sécurité qui sont dispensées au sein de l'entreprise. Elle affirme que Luc Fleury avait déjà participé à ces formations et surtout qu'il avait l'habitude d'effectuer ces travaux de fouilles. « Cela dépasse les limites du raisonnable de dire que la SOGEA va sur les marchés et prend que des sous-traitants pour réaliser les travaux » , fustige Me Courteaud du barreau de Paris. Il répond point par point aux accusations de la partie civile et du parquet. « Un chef d'équipe ne peut pas être consacré à la surveillance en permanence de deux ouvriers qui font une tranchée » , précise Me Courteaud. L'avocat de la SOGEA estime que les règles de sécurité ont été respectées. Il parle d'un refus caractérisé des salariés. « Il y a eu une prise de risque incontestable et cette prise de risque a été tragique. » L'avocat qui plaide la relaxe explique aux magistrats qu'ils ne peuvent pas entrer en voie de condamnation à l'encontre de la SOGEA comme personne morale. Il estime qu'il faudrait désigner la personne physique qui a commis des manquements. Ce qui selon lui, n'apparaît pas dans l'instruction du dossier. Le tribunal a mis son jugement en délibéré.
Le 20 août 2008, Luc Fleury, originaire du Gros-Morne, enseveli dans la tranchée, perdait la vie dans des circonstances atroces. (V. M.-P/Archives France Antilles)
Le 20 août 2008, Luc Fleury, originaire du Gros-Morne, enseveli dans la tranchée, perdait la vie dans des circonstances atroces. (V. M.-P/Archives France Antilles)

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