Jocelyne Arnoux : « Nous sommes dépossédés de nous-mêmes »

Jocelyne Arnoux : « Nous sommes dépossédés de nous-mêmes »

Entretien Ronald Laurencine et Adams Kwateh / Photos Fernand Bibas
Jocelyne Arnoux
Jocelyne Arnoux

Une grande figure des luttes syndicales de ces cinquante dernières années, est devenue, malgré elle, une passeure d’histoire contemporaine en Martinique. Elle est notre Grand Témoin de ce mois de mars.

Rétrospectivement, quelles images gardez-vous de votre arrivée en Martinique il y a 56 ans ?
Je suis arrivée en 1963 dans une société entièrement clivée : Les Blancs, hauts fonctionnaires peu nombreux d’un côté, le reste de la population de l’autre. Mon mari et moi avons été accueillis, par ce cercle très ferme de racistes « bien élevés » lors du débarquement à bord au bateau Flandre. Nous devions être intégrés et faire partie de cette élite surréaliste d’un monde fracturé. Mais moi qui venait des mouvements étudiants contestataires et de manifestations contre la guerre coloniale, bien évidemment nous avons cessé tout contact et choisi notre camp.
J’étais déjà engagé dans des luttes en France : j’appartenais au réseau clandestin pour l’avortement, je militais contre les guerres coloniales en Indochine dès mes 15 ans et l’Algérie bien sûr qui me toucha de plein fouet car mon mari appelé parti en guerre 18 mois lorsque mon fils Michel est né.

Comment s’est opérée votre intégration ?
J’ai été très vite intégrée dans la société martiniquaise, riche de ses valeurs humaines et traditionnelles et me suis retrouvée dans un vrai réseau d’ami.e.s : Roland Suvélor, Georges Desportes , Edouard Glissant, Anca Bertrand, Henri Corbin, Victor Anicet, Francky Hubert, Raoul Capitaine, mon amie Michèle Lèro, sa famille, Khokho, cet artiste fabuleux qui tenait maison ouverte, et tant d autres belles personnes que je ne peux oublier. J’ai aimé d’emblée ce pays devenu...

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